Un résumé d’Accueil Radical…et des questions!

Un résumé d’Accueil Radical…et des questions!


Merci à Cécile Guinand de nous partager ainsi son travail ainsi que ses questions et ses prières.

Ce résumé d’Accueil Radical, par chapitre, peut être une base de travail dans votre paroisse, votre Eglise ou votre association.

L’Accueil radical, Ressources pour une Église inclusive

édité par Yvan Bourquin et Joan Charras Sancho aux éditions Labor et Fides, 2016.

Préface. La théologie et les Églises entre exclusion et inclusion, par Thomas Römer

Thomas Römer part du constat que l’Église « prêche toujours l’ouverture et l’accueil inconditionnel de toute personne ». Pourtant, la réalité se traduit souvent par des attitudes d’exclusion, particulièrement face aux orientations sexuelles. Thomas Römer rappelle que la question de l’orientation sexuelle n’est jamais au centre des textes bibliques fondateurs. Les interdits du Lévitique, par exemple, reflètent la relation à un ordre social et il serait anachronique de les appliquer à l’homosexualité entendue comme l’attirance réciproque entre deux personnes de même sexe. La voix inclusive rejette donc toute stigmatisation et appelle à un accueil inconditionnel.

Les milieux qui citent les textes du Lévitique pour condamner des « sexualités déviantes » oublient souvent l’immense anachronisme qu’ils commettent en reprenant un texte provenant d’une civilisation qui accepte l’esclavage et qui ne connaît pas d’égalité entre les hommes et les femmes. Il faut alors une réflexion herméneutique appropriée qui situe les textes bibliques dans leurs contextes respectifs et qui s’interroge sur leur utilisation dans un contexte sociétal profondément différent. (Thomas Römer, p. 10)

 Introduction, par Yvan Bourquin et Joan Charras Sancho

Les deux éditeurs reviennent sur le projet de ce livre qui est de permettre à l’Église de refléter l’accueil inconditionnel de Dieu en se positionnant comme inclusive. Ils précisent que l’accent porte dans ce livre essentiellement sur l’accueil intégral des personnes homosexuelles, bisexuelles, transgenres et de leurs familles.

Ils présentent ensuite les auteurs et leurs contributions. Cette introduction permet de se situer dans l’ouvrage, et de prendre connaissance de son contenu pour mieux choisir ses lectures selon l’aspect que l’on souhaite approfondir. Surtout, elle rappelle que ce livre est destiné à favoriser les débats autour de l’inclusivité et invite chaque lecteur à entrer dans la discussion, poser des questions, approfondir sa réflexion sur le site accueilradical.com.

Dans ce recueil […] il est question d’accueil. Un accueil radical auquel sont appelées toutes les communautés religieuses, chrétiennes en particulier. Dès qu’une Église répond à l’accueil inconditionnel de Dieu par cet accueil-là, elle peut se dire « inclusive » (Y. Bourquin et J. Charras Sancho, p. 13)

Des mots…

Église inclusive : Église qui refuse toute exclusion, qu’elle soit de type racial, social, sexuel, etc.

LGBT : personnes Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Transgenres.

Partie I. La notion d’inclusivité, état des lieux

Brève histoire du mouvement chrétien inclusif, par Jean Vilbas

Jean Vilbas retrace les origines américaines du mouvement chrétien inclusif :

  • le temps des pionniers (1964-1978)
  • le temps des paroisses (1978-2000)
  • le temps de l’universalisme (2000-2015)

Il montre comment d’une époque où les ministères se donnaient pour mission de guérir les homosexuels, on a été mené à revoir notre conception de l’Église pour voir en elle un lieu d’accueil inconditionnel dans la pleine reconnaissance des différentes orientations sexuelles.

L’auteur se penche ensuite sur le monde francophone. Il souligne particulièrement qu’une Église inclusive ne doit pas seulement accueillir inconditionnellement, mais le faire dans la reconnaissance positive de la personne.

Jean Vilbas termine en montrant comment l’Église Unie Saint-Jean de Montréal s’est déclarée pleinement inclusive par la constitution d’une charte[1].

On ne réserve pas le même accueil à un pêcheur invité à la repentance, à un chrétien faible sur lequel il faut veiller, à un malade qui appelle la compassion ou à une personne dont la différence d’orientation sexuelle est pleinement reconnue comme un reflet d’une création belle et diverse (J. Vilbas, p. 43)

Questions à nos Églises

  • Dans quelle mesure sommes-nous inclusifs ?
  • Entre nos déclarations pour l’accueil inconditionnel et la réalité de notre communauté, existe-t-il un décalage, et si oui, comment y remédier ?
  • Ne pourrait-on pas souhaiter et réfléchir à une charte sur le modèle de celle de Montréal ?

[1] Charte disponible sur leur site : http://www.Égliseuniesaintjean.org/pr%C3%A9sentation/inclusivit%C3%A9/

« Une inclusivité qui s’ouvre à toutes les différences ». L’inclusion au quotidien dans la Fraternité de La Maison Verte (2006-2013), par Stéphane Lavignotte

Pasteur à La Maison Verte à Paris, Stéphane Lavignotte relate le cheminement fait par sa communauté pour vivre l’inclusivité. Dépassant la théorie, il s’agit de se donner les moyens pratiques d’un accueil qui tende à l’inconditionnel. Son article montre l’importance de partir de la réalité concrète du lieu que l’on souhaite ouvrir à l’inclusivité. De même que Jean Vilbas, Stéphane Lavignotte souligne l’importance d’une charte qui affiche l’attitude d’accueil qu’une Église attend de ses membres et bénévoles. C’est une manière de donner son identité à une paroisse et de l’affirmer face au monde dans un souci de cohérence. C’est également une façon de s’engager à mettre en pratique des positions clairement affirmées. Cela donne aux personnes qui se sentent inclusives les mots pour l’exprimer[1].

Stéphane Lavignotte décrit ensuite le travail mené sur le long terme : cérémonies, moments d’échanges et organisation d’activités. Il ne s’agit pas seulement d’affirmer l’inclusivité, mais surtout de se l’approprier. L’auteur souligne que la diversité des personnes engage également diversité dans la façon de dire les choses et de les comprendre. Il nous donne quelques outils simples mais efficaces : ne pas réagir immédiatement, mais demander des précisions, si le malentendu persiste, recourir à une personne médiatrice, etc.

L’auteur revient enfin sur les obstacles rencontrés dans le cheminement d’une paroisse vers l’inclusivité, et montre que celle-ci ne pourra se vivre que si la majorité renonce à s’imposer comme une norme, sur le plan conscient comme inconscient. Car le principal obstacle est certainement que nos sentiments sont souvent contraires à nos bonnes intentions : il faut donc être à l’écoute de nos propres réticences pour savoir les nommer et les apprivoiser.

Dans la conversation, nous sommes amenés à dire aussi le pourquoi de cette diversité. Cela s’affirme de manière assez simple : l’affirmation de la diversité comme une chose bonne et bénéfique à tous. […] De manière plus simple, cette diversité est présentée comme « un moyen de nous enrichir les uns les autres de nos différences » ou de reproduire le geste de Jésus qui accueillait tout le monde et ne jugeait personne. (S. Lavignotte, p. 57-58)

Questions à nos Églises

  • Si mon Église se met en chemin pour affirmer son inclusivité, quelles activités, rencontres, moments de partages et de discussions pourrait-elle mettre en place pour que chacune et chacun des paroissiens puissent vivre cette nouvelle orientation dans la confiance et l’envie d’y prendre part ?
  • Comment rendre accessible et compréhensible à tous nos prises de positions, nos cheminements théologiques ?
  • Comment mener chacun et chacune à intégrer pleinement l’inclusivité comme une attitude première et dernière engageant toute sa personne ?
  • Comment éviter le piège d’un changement institutionnel qui ne s’accompagnerait pas de la réalité pleinement vécue de l’accueil radical ?

Prions…

Bien qu’il ne soit pas dans ma tradition réformée d’adresser mes prières à Marie, mère de notre Seigneur, mais convaincue de la richesse des échanges et partages œcuméniques, je trouve que cette prière franciscaine du cardinal Etchegaray nous invite à renouveler nos cœurs pour nous ouvrir à l’accueil et à l’amour au-delà des barrières de notre monde.
Sainte Vierge Marie, à un monde dominé par l’argent,
Vous enseignez votre libéralité.
A un monde de clinquant et de mensonge,
Vous montrez votre transparence.
A un monde qui ricane et salit,
Vous offrez votre pureté.
A un monde de violence et de haine,
Vous opposez votre tendresse
A un monde qui vieillit de désespoir 
Vous donnez votre jeunesse.
Chaque jour, vous avez du inventer votre façon de dire « oui » à Dieu
Chaque jour, vous avez dû recommencer à découvrir Dieu dans votre vie,
Autrement que vous ne l’aviez prévu.
Apprenez nous à nous présenter comme une page blanche
Où l’Esprit de Dieu écrit les merveilles qu’il fait en nous.

Amen

[1] La charte est publiée sur le site de la Maison Verte : http://www.lamaisonverte.asso.fr/

Queer Theology ? De quoi parle-t-on ?, par Muriel Schmid

La Queer Theology est issue des Queer Studies, études universitaires dont les domaines ont en commun de remettre systématiquement en cause les normes sociales. Elle nous est présentée le plus simplement possible par Muriel Schmid. La Queer Theology, en bref, refuse de classer l’humain selon son genre, sa classe, sa race, etc. Cette théologie riche et complexe est ici expliquée selon trois entrées.

L’intersectionnalité

L’intersectionnalité consiste à voir dans un tout davantage que la somme des éléments pris séparément. Une identité n’est ainsi jamais composée d’une seule caractéristique, mais de plusieurs éléments qui se croisent et tissent une réalité unique.

Si chacun est unique, identifier les caractéristiques de l’exclusion permet de mieux comprendre les difficultés rencontrées par certaines personnes. De même, mettre l’accent sur les nombreuses caractéristiques positives qui constituent une identité individuelle aidera à la reconnaissance de ces mêmes personnes.

Je donnerai un exemple pour illustrer l’explication de Muriel Schmid. Un homme au chômage homosexuel peut être aussi un brillant intellectuel, un soutien précieux pour ses proches et une personne serviable toujours prête à donner un coup de main. De même que le père de famille entrepreneur peut également être un avare violent et sexiste… L’accueil radical doit prendre en compte que personne n’est parfait, ni défini par une seule caractéristique.

L’indécence

Derrière cette notion provocante est émise l’idée que l’on peut se présenter ouvertement avec nos particularités parfois hors de la norme, avec la condition que l’on ne censure pas l’autre par cette attitude. La théologie indécente a pour fondatrice la pasteur Marcella Althaus-Reid qui s’est violemment opposée aux théologies de la libération ayant cours en Amérique latine. Elle dénonce les visions simplistes de la réalité proposée par ces théologies et plaide pour que l’on prenne en compte toutes les dimensions de la réalité d’un individu.

Une théologie de l’indécence est une théologie qui s’ancre dans la vie des gens et leurs expériences fondamentales sans les censurer. C’est une théologie qui invite les individus à se présenter tels qu’ils/elles sont et à sortir du placard leur sexualité […] (M. Althaus-Reid).

Textualité

La Queer Theology remet en cause tant les lectures fondamentalistes que l’approche socio-historique en plaidant pour la lecture des textes pris dans un réseau conflictuel d’interprétation, en mettant particulièrement en avant la créativité. Elle refuse toute utilisation idéologique des textes à des fins politiques ou sociales et souhaite une réinterprétation positive et constructive. Quatre éléments doivent cohabiter pour une bonne lecture : l’Ecriture, la Tradition, la Raison et l’Expérience.

La Queer Theology part du constat que de nombreux passages bibliques sont conçus pour être déstabilisants et dérangeants, comme le sont par exemple les paraboles de Jésus et qu’ils nous invitent à une interprétation et une actualisation créative. Elle rend justice à l’approche historico-critique qui a le mérite de remettre le texte dans son contexte, mais elle regrette que trop souvent cette approche aboutit à l’affirmation que le texte est parole divine et immuable pour l’humanité, et mène à une opinion catégorique sur le projet de Dieu pour l’humanité. Elle dénonce le mythe du retour au contexte pour justifier un sens unique et imposer une vision rigide et autoritaire de Dieu.

Muriel Schmid termine par une série de questions posée en 2014 lors d’une conférence par Pink Menno à Chicago qui souhaitait introduire à une discussion sérieuse des principes de la Queer Theology, par exemple : Comment pensez-vous à Dieu ? Quels types de séparations Jésus a-t-il abolies ? Qu’est-ce que la théologie chrétienne considère comme « indécent » et donc élimine ?

Je rêve pour ma part d’une communauté où nous pourrions discuter de ces thèmes de manière ouverte, généreuse, avec un brin d’humour et beaucoup de créativité : l’Église de demain ? (M. Schmid, p. 83).

Des mots…

Queer : le mot est difficilement traduisible en français, il recouvre les adjectifs étrange, insolite, bizarre, original, loufoque… et de nombreux autres que vous pourrez découvrir à la lecture de l’article.

Questions à nos Églises

  • Nous devrions répondre à la série de question proposée par Muriel Schmid (p. 83) afin de mieux comprendre sur quoi nous sommes ouverts et sur quoi nous sommes fermés… sommes-nous prêts à le faire ?
  • Si oui, pourrions-nous fixer des objectifs clairs sur les domaines dans lesquels nous devons fournir des efforts particuliers pour l’inclusivité ?
  • Les Queer Studies montrent que l’inclusivité ne concerne pas uniquement la question de l’orientation sexuelle… Si notre Église souhaite se déclarer inclusive, quelles minorités ou catégories de la population régulièrement exclues ou mises à l’écart souhaite-t-elle nommer dans son message d’accueil ? Comment travaillera-t-elle ensuite à mettre en pratique l’accueil desdites personnes ?
  • Quelles sont les personnes que nous reléguons en marge ? de quelle façon pouvons-nous leur déclarer et leur montrer notre envie d’ouverture et d’accueil ?

Prions…

Notre identité est un composé d’éléments divers, positifs et négatifs. Prions pour que tous, dans nos identités complexes et multiples, puissions dans la joie nous remettre tels que nous sommes au Seigneur qui, en Jésus-Christ, nous accueille dans son amour.

Si les personnes homosensibles militent pour une reconnaissance, elles ne s’estiment pas pour autant parfaites devant Dieu. Je vous propose de nous associer à cette touchante Prière pour mes frères homosexuels de Philippe Arino qui mêle repentance et intercession.

Mon Seigneur et mon Dieu,

Toi qui a toujours préféré les plus fragiles, les plus blessés, les plus ignorés,

Les plus orgueilleux, les plus mal-aimés, les plus imparfaits,

Je te confie mes frères et mes sœurs homosexuels,

Toi qui m’as appris qu’à ceux qui ont reçu peu d’amour, il sera peu exigé,

Je te demande la clémence et l’indulgence pour mes frères homosexuels et moi,

Surtout ceux dont la vie est marquée par le vice et la débauche,

Ceux qui en ce moment traversent une nuit noire et qui ne trouvent plus de sens à leur vie,

Ceux qui sont insatisfaits en amour et qui doutent de pouvoir être aimés et d’aimer un jour,

Ceux qui angoissent de vieillir et qui se sentent déjà vieux à 20 ans,

Ceux qui sont las et mélancoliques,

Ceux qui cherchent désespérément des amis et qui se sentent très peu compris,

Ceux qui enchaînent les partenaires sexuels, ou ceux qui expérimentent l’isolement même en couple,

Ceux qui sont malades,

Ceux qui sont se trouvent moches, quelconques ou trop beaux,

Ceux qui passent leur temps sur les sites internet,

Ceux qui sont morts du Sida, ou morts sans te connaître vraiment, sans avoir découvert ton amour pour eux parce que personne ne le leur a annoncé ou parce qu’ils n’étaient pas prêts à le recevoir.

Prépare leur cœur, Seigneur, à accueillir ta Lumière. Accueille dans ta douceur toutes les personnes homosexuelles, même celles dont les actes ne méritent pas ton Ciel.

Et à mes frères homosexuels et à moi qui sommes encore vivants, apporte-nous la bonheur de donner notre homosexualité aux autres sans la pratiquer et la justifier sous la forme d’une identité qui n’est pas nous, d’un amour qui ne nous comble pas.

Donne-nous la joie d’être accueillis dans tes bras de Père, de frère, d’ami ; de rire de bon cœur de notre homosexualité, de te l’offrir en cadeau pour la vie éternelle.

Amen.

Minorités sexuelles et Église inclusive en Afrique, par Jean-Blaise Kenmogne

Le révérend Kenmogne raconte son engagement et les actions qu’il mène au Cameroun pour la reconnaissance des personnes homosexuelles. Si nombreuses que soient les réticences à l’accueil des personnes LGBT en Suisse, la situation en Afrique est bien plus fermée. Elles sont régulièrement torturées et la plupart des Églises considèrent l’homosexualité comme un péché importé par les occidentaux, une maladie qu’il faut guérir.

L’engagement de Jean-Blaise Kenmogne est multiple. Cinq axes structurent son action :

  1. L’axe juridique, ou la bataille pour la dépénalisation de l’homosexualité dans le droit camerounais.
  2. L’axe idéologique, ou la mise en lumière des défaillances de la tradition ecclésiale face à l’homosexualité, en montrant par exemple qu’elle n’est pas un péché.
  3. L’axe politique qui vise d’une part à refuser que la sexualité devienne une question que les pouvoirs en place aient le droit de trancher, mais vise également à mener ce combat pour les droits directement auprès de la classe dirigeante.
  4. L’axe scientifique qui vise à mettre en valeur les apports de la science pour une meilleure compréhension de ce qu’est l’homosexualité.
  5. L’axe éthique qui replace l’ensemble du combat dans l’invocation des valeurs fondamentales de l’être humain, par exemple les droits de l’homme.

L’auteur décrit ensuite le champ concret de son action, et expose les raisons qu’ont les Églises camerounaises de s’opposer à l’inclusivité, autant d’a priori sur lesquels il faudra travailler pour que les mentalités changent.

Avec la science, mener les gens à comprendre qu’il existe des personnes dont l’identité profonde est homosexuelle et que cela ne relève ni de la maladie ni du péché.

Par l’exégèse, revenir sur les interprétations dévoyées de l’Écriture en rappelant que l’essence de la foi chrétienne est la révélation de Dieu en Jésus-Christ comme Dieu d’Amour. Au sujet de Église, insister sur le fait que sa raison d’être est de refléter cette communion d’amour. L’auteur constate en effet une perte de l’essentiel qu’il faut à tout prix restaurer : les Églises ont oublié que la mission chrétienne est d’unir les hommes dans une même dynamique d’amour.

Pour ce faire, il rappelle les « trois constructions » successives proposées par Michel Séguier :

  1. La conscience collective à laquelle on parvient en investissant l’espace ecclésial avec des débats éclairés par des personnes engagées.
  2. L’alternative qui vise à mettre en place des institutions ecclésiales visibles et fécondes, des espaces-pilotes pour témoigner que l’inclusivité est la voie à suivre.
  3. Le pouvoir, ou l’institutionnalisation de ces changements vers l’inclusivité, qui intervient lorsque ces espaces-pilotes ont montré que la transformation pouvait se généraliser dans une prise de position institutionnelle déclarée.

Le pasteur prolonge chacune de ces trois constructions en mentionnant des exemples concrets pour parvenir à leur réalisation et conclut :

Ce qui compte aujourd’hui, c’est de pouvoir vivre sa foi en toute vérité, dans le champ social comme dans le champ ecclésial, avec les autres et au service des autres, en prenant place dans des Églises qui s’affirment fermement comme communautés inclusives, sans complexes, dans une société de droits, de libertés et de pouvoirs créateurs de bonheur. (J. –B. Kenmogne, p. 95)

Questions à nos Églises

Je crois que nous ne devons pas, sous prétexte que nous sommes en Suisse, négliger que certains préjugés sur l’homosexualité que dénonce le révérend Kenmogne ont encore cours chez nous.

  • Si mon Église s’engage pour l’inclusivité, comment le montrera-t-elle dans l’espace public ?
  • Prendra-t-elle part aux campagnes de sensibilisations hors du domaine théologique en rappelant ce que la science nous dit de l’homosexualité, ce que les droits de l’hommes et les droits civiques nous demandent en matière d’accueil ?
  • Pourrions-nous, de manière générale, affirmer plus clairement vis-à-vis du domaine citoyen nos positions théologiques en lien avec l’actualité ?
  • Les trois constructions décrites par Kenmogne pourraient-elles permettre de structurer de manière concrète une marche dynamique de mon Église vers l’inclusivité en déterminant plusieurs phases dans le temps (réflexions, espaces-pilotes, institutionnalisation des changements) ? 

Prions…

Associons-nous à cette touchante prière de Jean Pliya, écrivain originaire du Bénin, pour nous fortifier dans notre engagement de mener notre communauté en Christ à vivre de l’amour de Dieu.

Esprit-Saint, Dieu d’Amour, merci d’avoir répandu dans mon cœur l’amour personnel de Dieu. 

Aide-moi à vivre l’amour parfait dans mes relations avec les hommes et particulièrement avec mes proches.

Rends-moi généreux, fidèle, confiant dans les autres, apte à céder et à m’adapter, modeste et doux, humble et maître de moi.

Que je ne pense pas d’abord à moi et ne cherche pas mon intérêt.

Ouvre largement mon cœur aux autres afin que je trouve plaisir à leur faire du bien.

Ote de mon cœur l’envie, la jalousie, l’orgueil, la vanité et le désir de me glorifier moi-même.

Préserve-moi de la colère. Que je ne sois pas irritable et susceptible !

Guéris-moi de la tendance à critiquer et à me plaindre lorsque les autres me déçoivent, me rejettent, me critiquent et m’oublient.
Esprit-Saint, pour l’amour de Jésus, fais-moi tout souffrir, tout endurer, excuser, surmonter.

Apprends-moi à me conduire avec tact et droiture, à être gentil pour les autres, à éviter de les blesser ou de les scandaliser, à pardonner leurs fautes, à ne pas les juger même s’ils me font du tort.

Aide-moi à ne pas garder rancune si l’on m’offense et à me réjouir lorsque les autres réussissent mieux que moi ou lorsque la vérité triomphe.

Esprit-Saint, enseigne-moi à croire au bien, à espérer le bien sans me décourager, à faire confiance à l’autre.

Viens m’apprendre à aimer comme Jésus, pour que j’accueille les autres avec joie et leur manifeste ma tendresse et ma compassion.

Gloire à Dieu le Père que me donne l’Esprit de vie.

Gloire à Jésus qui me remplit de l’Esprit d’Amour.

Gloire à l’Esprit-Saint qui opère en moi les œuvres qui rendent vivante et féconde ma foi au Dieu Tout-Puissant.

Amen ! Alléluia !

Partie II. Apports bibliques

L’évangile paulinien et les codes culturels de son temps : une tension féconde, par Elian Cuvillier

Elian Cuvillier propose de revoir nos idées reçues sur la vision paulinienne qui « semble tout le contraire d’une Église inclusive ». Il part du constat que Paul a conscience que son évangile le dépasse, « la Bonne Nouvelle excède celui qui en est porteur ». Outre une remise en contexte, cet article revoit les interprétations que l’on a donné des propos pauliniens sur la misogynie, l’esclavage et l’homophobie.

Au sujet de l’homosexualité, Paul met l’accent non sur la question de l’appartenance sexuelle, mais des désordres qu’elle engendre dans la société de son temps, explique l’auteur. En fait, l’homosexualité n’est pas chez Paul le péché, mais sa conséquence. De son point de vue, nous sommes tous esclaves du péché et appelés à la justification, l’homosexualité n’est qu’un exemple parmi d’autres pour appeler l’humain à la foi. L’homosexualité, de même que l’esclavage, ne sont pas l’objet du message paulinien, mais le servent dans une fonction rhétorique. La thèse de Paul, rappelle Elian Cuvillier, est « Je n’ai pas honte de l’Évangile qui est puissance de Dieu pour quiconque croit ».

L’auteur rappelle encore combien la pensée de Paul est complexe et pas toujours homogène. Paul se situe entre certaines représentations propres à son époque, ses origines juives et pharisiennes, et les circonstances qui ont fait de lui un disciple de Jésus. Ainsi, il interroge les représentations de tout ordre, et Elian Cuvillier propose l’analyse en profondeur de deux passages.

La valorisation des choses viles (1Co 1, 18-25).

Elian Cuvillier montre que la théologie de la Croix paulinienne empêche toute revendication d’autorité en matière de religion. En effet, la Croix « affirme la divinité et l’altérité de Dieu » qui se révèle là où on ne l’attendait pas. Paul conteste ainsi toute sagesse et quête religieuse des hommes, la sienne comme celle des autres.

La révocation des vocations (1Co 7, 29-31).

Elian Cuvillier se penche sur la série des « comme non » de ce passage. Etre marié comme non marié, être joyeux comme non joyeux, etc… Pour résumer simplement la brillante interprétation de l’auteur, le « comme non » de Paul ne signifie pas qu’il faille fuir vers un ailleurs, par exemple préférer le célibat, nier la joie, ni manifester de l’indifférence face à la réalité. Non, il faut se marier, il faut être joyeux…. il s’agit cependant de ne pas placer l’essence de son identité dans la réalité de ce monde (le mariage ou la joie), mais de prendre conscience que notre identité de chrétiens et chrétiennes se situe dans l’accueil du Christ mort et ressuscité dans notre existence.

Le « comme non » paulinien.

Le « comme non » nous rend libre face à nos actions qui ne nous déterminent plus. « Comme non », ce n’est pas non plus « comme si » : il ne s’agit pas de faire semblant d’être marié ou d’être joyeux…

Par le « comme non », Paul nous dit de vivre pleinement nos professions, notre condition, etc. tout en sachant que l’on n’est pas réductible à cela. Notre vie est dans le Christ, il faut donc relativiser les identités, notamment sexuelles, qui sont secondes en Jésus-Christ.

Ce que le Christ désormais convoque en chacune et chacun, dit Paul aux Corinthiens, ce ne sont plus les représentations sociales (marié, célibataire, esclave, libre, homosexuel, hétérosexuel, riche ou pauvre, acheteur ou vendeur, triste ou heureux), mais l’être unique et singulier, celui dont la véritable identité est secrète, cachée en Christ (Col 3, 3) et contre laquelle aucun élément de ce monde ne peut rien. (Elian Cuvillier, p. 115)

Questions à nos Églises

  • À partir du « comme non » paulinien, comment montrer que nous entendons reconnaître en chacun et chacune son identité première en Christ ?
  • Cette identité première n’ôte rien à la réalité et à l’engagement de chacun et chacune dans ses identités secondes… Comment nos Églises peuvent-elles s’assurer que tout message qu’elles adressent à leurs membres porte principalement sur notre identité première de fils et filles du Père en Christ, avant d’être étendue à nos « identités secondes » de mariés, de politiques, de personnes âgées ou autre… ?

Croire en un Dieu inclusif ou exclusif : quelles retombées ? par Yvan Bourquin

Quelles sont les retombées concrètes de l’image que nous nous faisons de Dieu ? C’est à cette épineuse question que répond Yvan Bourquin à travers une relecture de certains passages bibliques. Il rappelle d’abord que même les images bibliques de Dieu doivent être jugées par Jésus-Christ en qui Il s’est révélé…

Yvan Bourquin revient sur ce « Dieu jaloux » qui est présenté comme « exclusif » dans la Bible. L’auteur rappelle que cette exclusivité demandée par Dieu concerne les idoles : il n’admet pas de concurrent. Dieu est exclusif dans le sens où il ne souhaite pas nous voir adorer d’autres dieux, il attend de nous un attachement exclusif. Cette attente est d’ailleurs celle du Christ qui dit à ses disciples : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ».

Yvan Bourquin se penche sur le détail de ce passage. Suite à cette demande d’exclusivité, les disciples se plaignent d’un homme qui chasse les démons en invoquant le Christ. Les disciples n’acceptent pas une telle attitude de la part d’une personne extérieure à leur groupe. Le Christ les remet en place : « Celui qui n’est pas contre vous est pour vous ». L’important, explique Yvan Bourquin, est donc que l’homme se réclame du Christ : l’essentiel est de servir sa cause, et les disciples n’ont pas le monopole.

Ce passage montre donc que l’Église doit se montrer inclusive et accueillir tous ceux qui se réclament du Christ. Son exigence première est d’être pour le Christ et si cette exigence est partagée par d’autres, elle doit les accueillir même si leur façon de vivre et de célébrer est différente. Ceux qui vivent en relation avec le Christ, explique Yvan Bourquin, ne peuvent ni ne doivent faire l’objet d’aucun rejet.

L’auteur se penche ensuite plus spécifiquement sur la situation des personnes LGBT. Il rappelle que l’homosensibilité est biologique, même si les sciences débattent encore de la part d’inné et d’acquis dans le processus de l’orientation sexuelle. Sur terre, il y a 90% de droitiers et 8% de gauchers, et personne ne condamnera les seconds comme déviants… La proportion n’a donc rien à voir dans cette histoire.

Il rappelle également que ce qu’on nomme « nature » est bien souvent le résultat de nos coutumes, et à la suite de Pascal, il rappelle qu’il n’y a pas à proprement parler de « normalité », celle-ci est fixée par qui détient le pouvoir. Nous ne pouvons pas condamner l’homosensibilité comme une déviance contre-nature sous prétexte que la majorité des personnes est hétérosensible.

Revenant à la Bible, Yvan Bourquin explique que l’homosexualité n’est jamais prise comme thème central. Le concept même d’homosexualité n’existe pas, puisqu’il naît en 1869. Ce que condamne la Bible dans l’épisode de Sodome et Gomorrhe ce n’est pas l’homosexualité mais la violence sexuelle qui bafoue les lois sacrées de l’hospitalité. Lorsque Paul parle « d’hommes qui couchent avec des hommes », il parle d’actes sexuels, alors que l’homosexualité se définit comme une préférence affective et une orientation sexuelle en conséquence… ce pourquoi l’auteur utilise de préférence le terme homosensible. Ce que condamne Paul, c’est la prostitution et la perversion… Or, comme le dit Yvan Bourquin, nous devons bien admettre de ce point de vue-là que « bien des pratiques hétérosexuelles sont tout aussi déviantes ou problématiques que certaines pratiques homosexuelles ».

L’auteur appelle donc la majorité hétérosensible à reconnaître qu’une orientation sexuelle minoritaire différente n’en est pas moins légitime, qu’elle mérite notre compréhension et notre respect. Yvan Bourquin termine son article en laissant la parole à cette minorité à travers quelques témoignages de chrétiens homosensibles.

La relation avec le Seigneur est primordiale, et c’est justement parce qu’il est seul juge que les croyants n’ont pas le droit d’exclure. La parabole de l’ivraie est là pour le leur rappeler : en retranchant, ils s’exposeraient à déraciner le blé ! Ils ne sont pas outillés pour juger de la véritable identité (bon grain/ivraie) […] Si des humains se réclament d’un Dieu d’accueil, comment pourraient-ils, sans se contredire, repousser une personne qui désirerait l’intégration dans la communauté adorant ce Dieu ? sur quel critère ? (Yvan Bourquin, p. 125)

Des mots…

Homosensible : Yvan Bourquin propose ce terme qu’il préfère à homosexuel : « En effet, hétérosexuel est terriblement réducteur, en laissant entendre que ces personnes se distinguent uniquement par leurs pratiques sexuelles, alors qu’en réalité leurs pratiquent s’inscrivent dans une orientation affective différente de la majorité. »

Questions à nos Églises

Dans l’optique de nous ouvrir à l’inclusivité, l’article d’Yvan Bourquin montre que nous pouvons mettre à contribution la lecture de la Bible en lien avec cette problématique. Vivre l’inclusivité n’ira pas de soi pour tous, Yvan Bourquin rappelle combien est enracinée une certaine vision de la « nature ».

  • Mon Eglise peut-elle envisager de sensibiliser les paroissiens à l’inclusivité à travers les lectures bibliques ?
  • Mon Eglise peut-elle envisager de favoriser des moments de rencontre et de partage destinés à la rencontre entre la communauté et les personnes LGBT qu’elle laisse de côté ?
  • Mon Eglise favorise-t-elle concrètement les paroissiens à s’ouvrir à les uns aux autres

Partie III. Approches pastorales et liturgiques

Bénir des couples de même sexe. Expérience d’un débat Internet, par Jürgen Grauling

Jürgen Grauling commence par expliquer qu’Internet est un outil utile pour déjouer les obstacles habituels des débats. Lorsqu’un internaute laisse un commentaire, les animateurs du débat peuvent prendre le temps de répondre point par point, et le dialogue peut se poursuivre dans le temps, laissant à l’interlocuteur le temps de murir sa pensée en posant des questions, et en affinant ses propres réponses.

L’auteur rappelle quelques grandes opérations Internet de débats qui ont porté leurs fruits, les « 95 thèses pour l’accueil des minorités sexuelles » de 2012[1], et le « Manifeste pour un débat ouvert » de 2014[2]. Ces deux projets et leurs résultats sont détaillés et commentés dans son article. Les 95 thèses figurent en annexe à la fin de l’ouvrage.

Il rappelle en outre que de nombreuses paroisses utilisent Internet de manière intelligente pour permettre à chaque visiteur d’entrer en dialogue sur des questions de foi et de religion pas seulement dans les débats autour des minorités sexuelles. Je renverrai ici au blog de l’Oratoire du Louvre qui me paraît particulièrement réussi[3].

Nous retiendrons de son analyse les points suivants. Internet permet une diffusion massive et offre une vitrine d’affichage des convictions des Églises. La publication sur Internet a le mérite de mener les visiteurs à ne pas rester passifs comme on peut l’être face à un livre ou une affiche, mais à participer en postant des commentaires, en co-signant une déclaration, etc.

Il remarque que le dialogue à travers les commentaires a permis aux débats de prendre de la hauteur et que le fait de prendre le temps d’écrire sa pensée et de la publier devant tous favorisait un échange de vue sans agressivité. Il relève que la qualité du débat dépend avant tout du sérieux de ceux qui l’animent, de leur patience et du soin apporté dans les réponses qu’ils donnent. Les contradicteurs sont alors souvent amenés à approfondir leur propre réflexion et préciser leurs points de vue. Ainsi le débat virtuel permet de développer tout l’éventail des questions, d’approfondir la compréhension, d’affiner sa pensée et d’écarter les propos discriminatoires par un contrôle possible des commentaires avant leur publication. Internet offre une vitrine pour la richesse du dialogue ainsi mise en valeur. Souvent, les internautes s’engagent et s’impliquent et se sentent écoutés, encouragés à s’exprimer.

Parmi les limites d’Internet, Jürgen Grauling relève les problèmes posés par une discussion à plus de deux interlocuteurs dans la chronologie. Il relève que le débat est parfois accaparé par une poignée de personnes. Il souligne la nécessité de rendre les discussions accessibles à tous. Il relève l’importante implication que cela représente pour les contributeurs engagés qui doivent être prêts à oser la parole et prêts à faire face à des questions parfois déroutantes auxquelles ils ne sont pas forcément préparés, ce qui les engagera à se renseigner et réfléchir à une réponse appropriée. Finalement, il insiste sur l’importance de donner une place visible des conclusions de ces débats dans le processus final de décision.

Le point essentiel relevé par Jürgen Grauling me semble être la possibilité de laisser place à des prises de positions provisoires qui trouveront peut-être une nouvelle orientation au fil du débat, ce qu’il appelle « le courage de se déclarer en décohérence ».

Au lieu de s’obliger à un positionnement en « cohérence » ou en « incohérence », [l’Église peut faire] le constat de l’impossibilité provisoire de prendre clairement position. Elle se déclare ainsi en « décohérence » où elle constate qu’il lui faut du temps pour approfondir la thématique. Cette situation, bien qu’elle se révèle inconfortable et obligatoirement provisoire, présente l’avantage de dédramatise le débat et d’éviter d’adopter des compromis destinés à ménager tous les partis (Jürgen Grauling, p. 156)

Questions à nos Églises

  • Dans le cadre d’un débat sur la position de mon Église sur la question de l’inclusivité, quelle forme pourrait prendre ce débat sur le web et qui serait susceptible de l’animer ?
  • Sur la base de la « décohérence » prônée par Jürgen Grauling, pourrions-nous réfléchir à la temporalité de la mise en place d’un débat sur l’inclusivité dans mon Église ?
  • Comment, dans le temps, sensibiliser les consciences, ouvrir un débat, et, si possible, après plusieurs phases de décohérence, aboutir à un résultat concret et visible au point de vue institutionnel, destiné à durer dans l’avenir de mon Église ?

[1] http://www.christianismesocial.org/spip.php?article268

[2] https://

[3] blog.oratoiredulouvre.fr

Eppur si muove, par Marina Zuccon

« Et pourtant elle bouge… » aurait dit Galilée au moment d’être condamné. Cette phrase reflète pour Marina Zuccon la réalité vécue par les personnes homosexuelles dans les Églises réformées et luthériennes d’Europe. Elle retrace l’histoire du débat ecclésial qui s’est amorcé dans les années 70 autour de la question de l’accueil des personnes homosexuelles par les institutions ecclésiales.

Marina Zuccon relève que si les choses ont progressé, il est pourtant rare que, lorsqu’une décision d’ouverture est prise par une Église, celle-ci s’affirme dans une perception positive. On accueille souvent « malgré » plutôt que « volontiers »…

La question de la bénédiction des couples homosexuels n’a toujours pas trouvé de réponse unanime aujourd’hui, et Marina Zuccon détaille les différentes prises de positions tout en constatant souvent le décalage entre le discours et la réalité.

Elle dresse une liste des difficultés constantes rencontrées dans toutes les Églises. D’abord, l’enjeu de la reconnaissance. En effet, bénir un couple homosexuel engage forcément à revoir la conception globale du sens de la bénédiction du couple dans l’Église, et le statut institutionnel de cette bénédiction. Elle remarque ensuite que bien souvent, les Églises ne réagissent qu’en lien avec les débats de société et les décisions prises au niveau législatif, rares sont celles qui ont proposé la bénédiction des couples avant une loi de l’État sur l’union des personnes de même sexe.

Elle détaille ensuite les pratiques d’accueil qui sous leur apparence positive se révèlent souvent peu respectueuses des couples homosexuels… lorsque, par exemple, la bénédiction d’un couple dépend d’un vote de la communauté.

Finalement, elle conclut que cette ambivalence douloureusement vécue par les personnes concernées ne pourra être dissipée que par des prises de position publiques à caractère officiel.

Ce genre d’initiative demande à chaque communauté locale qui s’y associe un travail en profondeur et une motivation particulière […] Reste à réaliser ce qu’il y a peut-être de plus difficile : faire évoluer les mentalités et incarner l’inclusivité dans de nouvelles pratiques. Bref, passer enfin de la loi à l’amour. (Marina Zuccon, p. 168)

Questions à nos Églises

  • Quelle officialité donner à l’inclusivité au niveau institutionnel de mon Église ?
  • Si nous prenons cette voie, comment rendre concrètes et durables les réformes qui s’avèreront nécessaires suite aux débats menés ?
  • Dans quelle limite de temps faut-il arriver à un positionnement durable ?
  • Comment ensuite réformer nos pratiques dans le sens des décisions prises de façon que chaque personne s’y implique de façon libre, consentie et positive ?

Qu’est-ce qu’une liturgie inclusive ?, par Joan Charras Sancho

Joan Charras Sancho rappelle d’abord qu’elle entend la liturgie comme une structure de culte, mais aussi comme toute démarche priante, à savoir la façon que l’on a d’incarner avec constance les contenus de la foi.

Elle souligne ensuite qu’une Église qui se déclare inclusive est tenue de réfléchir pour sa liturgie au langage qu’elle utilise, pour qu’il convienne à l’approche qu’elle souhaite mettre en œuvre dans les communautés et à la forme liturgique des bénédictions de couples de même sexe. L’auteure propose des pistes de déconstructions critiques pour mettre en place une méthodologie fondatrice pour une Église qui souhaite mettre en pratique son inclusivité.

Au sujet du langage, elle rappelle à quel point la langue liturgique est hétéronormée et mène à l’exclusion de ceux qui ne peuvent s’y identifier. Il est essentiel de réactualiser les valeurs bibliques pour les faire vivre aujourd’hui dans le monde, dans une langue où chacun de nous peut se retrouver. Elle prend exemple deux victimes du langage liturgique que sont les femmes et les minorités sexuelles.

Les propositions s’échelonnent entre un discours ouvertement militant, oser le « Notre mère qui est au cieux », et des possibilités plus douces et subtiles de réformer la langue liturgique. À ce titre, elle rend hommage au précieux travail en ce domaine mené par « L’Autre Parole », un groupe canadien[1].

Il s’agit moins de parler de Dieu au féminin que de parler de Dieu avec équité, explique Joan Charras Sancho. Il est possible de valoriser la richesse du langage biblique qui contient de fait des énonciations plus respectueuses que celles traditionnellement utilisées. Esaïe nous dit par exemple que le Seigneur console comme une mère, alors que Matthieu prend l’image de la poule qui protège ses petits sous son aile pour évoquer l’amour que nous porte Dieu. De même, il peut être intéressant de mettre l’accent sur le mode relationnel de Jésus qui déconstruit les schémas répandus de la virilité en se montrant émotif, tactile, attendri, etc.

Faisant un pas de plus, Joan Sancho Charras engage à quelquefois prêter attention au Jésus « queer », ce Jésus qui accueille les marginaux : l’associer aux minorités discriminées c’est lui faire honneur dans nos prières d’intercession et liturgies respectueuses de la création. Le langage de la liturgie doit refléter les réalités de nos contemporains tout en proclamant une bonne nouvelle éternelle.

Davantage que le contenu de la liturgie, c’est la façon concrète de la mener qui permettra à l’Église de vivre son inclusivité. Souvent, on se pense accueillant alors que, de fait, on rejette les minorités. Ainsi, elle invite à afficher l’inclusivité afin que l’Église apparaisse comme telle aux yeux des nouveaux arrivants, mais également comme un rappel permanent pour elle de tenir son engagement. Diverses possibilités permettent de vivre l’inclusivité et de la dire au quotidien : une charte d’inclusivité, une confession de foi plus étoffée, l’inclusion des minorités dans nos intentions de prière, etc.

L’auteure engage également les Églises inclusives à sortir de leurs bâtiments pour se mêler à l’espace citoyen et s’adresser, par des activités diverses, à tous les chrétiens « non-pratiquants » qui ne viennent pas au culte.

Sur l’épineuse question de la bénédiction des couples de même sexe, elle s’interroge sur la forme de liturgie la plus appropriée. Elle détaille les pratiques existantes en la matière, relevant les points forts et les faiblesses. Il y a d’abord l’accueil sans bénir. Viennent ensuite les célébrations spéciales pour les couples de même sexe sans bénédiction où le contenu de la cérémonie est une célébration, un accueil du couple dans la communauté, un rappel du lien et une prière. Cependant, ne pas proposer aux couples de même sexe un traitement équivalent aux personnes hétérosexuelles, c’est ouvertement déclarer que leur union n’a pas la même valeur rappelle Joan Charras Sancho.

Ailleurs, on pratique une bénédiction collective lors d’une célébration où le couple s’engage. La plupart du temps, constate l’auteure, quel que soit le mode pour lequel l’Église se décide, la liturgie veille à être résolument différente de celle proposée aux couples hétérosexuels. Le critère, bien souvent, est que la cérémonie ne ressemble surtout pas à un mariage classique. Joan Charras Sancho conclut sur la nécessité de respecter la diversité et de trouver une forme liturgique de la bénédiction des couples homosexuels, mais aussi des couples hétérosexuels qui puisse prendre en compte les besoins des personnes, en accord avec le pasteur célébrant.

Je postule en effet que la liturgie est résolument au service d’une pastorale qui vise à accueillir toute les singularités de celles et ceux qui veulent entrer dans la communion ecclésiale dont Jésus est le seul chef. Une pastorale qui ne soit ni indifférente ni indifférenciée, mais radicalement inclusive et en cela même toujours en mouvement, à la fois dans la joie et l’inconfort de la marche, à la suite du grand marcheur de Galilée. (Joan Charras Sancho, p. 189)

Questions à nos Églises

  • Si mon Église s’engage pour l’inclusivité, comment fera-t-elle face à la question de la liturgie et de la bénédiction des couples de même sexe ?
  • Il faudra bien que ces questions fassent l’objet de décisions institutionnelles ?
  • Quel cadre fixe et quelle liberté de décision donner aux paroisses sur ces questions ?
  • Comment définir ce qui constitue l’essence inaliénable d’une cérémonie de bénédiction et la latitude à laisser à chaque couple et son pasteur dans la liturgie de bénédiction de leur union ?
  • Quel sens et quelle forme doivent prendre la bénédiction des unions de manière plus large que celle des couples de même sexe ?
  • Peut-on faire se côtoyer des formes de cérémonies traditionnelles et d’autres plus innovantes, tout en restant une Église cohérente et unie dans ses fondements institutionnels ?

Prions…

Observant la tension entre tradition et nouvelles approches, entre passé et avenir, je souhaite partager avec vous cette prière de Claude Bernard pour le bon usage du temps.

Seigneur d’éternité,
Tu choisis le temps pour nous rencontrer.

Donne-nous de venir à Toi sans mesurer notre temps,
Tu tiens dans ta main tous les instants de l’univers,
Dis-nous comment tenir dans nos mains
le sable de nos vies.

Apprends-nous à tenir le passé
sans nous bercer de souvenirs idéalisés,
à rester fidèles sans crispation,
à conserver les signes de tes passages
sans les momifier en reliques.

Apprends-nous à tenir le présent
sans nous laisser absorber par lui,
à saisir les moments favorables
sans nous agripper à l’occasion perdue,
à discerner les signes de ta présence.

Apprends-nous à tenir l’avenir
sans redouter sa venue
ni l’enfermer dans le cortège des illusions.

Aide-nous à vouloir sans forcer le destin,
à nous disposer à l’appel de l’Esprit
sans nous brûler dans les attentes stériles.

Dissipe les nuages de l’inquiétude
qui tuent le soleil de la surprise.

Dieu du passé, du présent, de l’avenir,
aide-nous chaque jour à Te découvrir.

Amen.

[1] www.lautreparole.org

Partie IV. Une relecture systématique

Pour un (Saint) esprit d’inclusivité. En dialogue avec les apports bibliques et les approches pratiques, une relecture systématique, par Pierre Bühler

Pierre Bühler revient sur l’ensemble des contributions de l’ouvrage et les envisage sous l’angle de la systématique, au sujet de laquelle il rappelle que son but est d’expliquer les enjeux d’une thématique à l’aune de la foi chrétienne. Dans cette optique, il constate que la question de l’inclusivité concerne toute la conception de l’être humain dans sa relation avec Dieu. Il rappelle donc ce que les auteurs de l’ouvrage ont dit de la diversité de la nature pour nous mener à accepter les différentes orientations sexuelles.

Pierre Bühler centre son apport à la réflexion sur une relecture de la Genèse… le lieu biblique le plus souvent invoqué pour dire que Dieu a souhaité l’hétérosexualité pour sa créature. Il montre que l’on peut interpréter autrement le récit de la création de l’homme et la femme. La Genèse parle à la majorité d’une situation majoritaire, mais ne dit en rien que cela doit mener à exclure les minorités. Je crois pouvoir traduire la pensée de Pierre Bühler par l’exemple suivant : Dieu dit « Soyez féconds », mais il ne dit pas « toute femme qui ne procréera pas sera pécheresse »… Le couple hétérosexuel est béni de Dieu, mais rien ne dit que l’homosexualité n’ait pas sa place dans la création.

Au sujet du Lévitique, Pierre Bühler rappelle que les interdits bibliques concernent les désordres engendrés par la violence et la prostitution. L’abomination n’est pas dans l’orientation sexuelle, mais dans un usage asservissant de la sexualité.

Chacun des auteurs de ce livre, ajoute Pierre Bühler, a montré à sa manière que notre identité première est d’être créature de Dieu, indépendamment de notre orientation sexuelle. Il met toutefois en garde contre une trop grande indifférenciation à laquelle cette certitude pourrait mener. Il ne faut pas nier la différence, mais au contraire insister sur la richesse de la diversité. Il faut accepter les différences au nom de notre unité finale en Christ. Aussi, les identités sexuelles différentes ne sont pas sans importance, mais doivent être considérées comme théologiquement positives…

Une nouvelle atmosphère de vie, un nouvel esprit, tel est le souhait de Pierre Bühler pour les retombées de l’ouvrage. Le souffle de l’Esprit nous abreuve tous, rappelle-t-il en citant la première épitre aux Corinthiens. Il reprend l’image du corps et de ses membres développée par Paul pour montrer combien cette métaphore convient bien à l’inclusivité qui devrait caractériser l’Église.

Cette vision du corps du Christ sous le souffle du Saint-Esprit pourrait constituer une sorte de ligne directrice pour le travail d’inclusivité, dont S. Lavignotte souligne à juste titre qu’il ne doit pas demeurer abstrait, au niveau des seules convictions, mais se concrétiser « au quotidien » (… ) d’où l’importance de réfléchir, comme dans cet ouvrage, aux retombées pratiques du travail d’inclusivité dans le langage liturgique, dans la vie quotidienne de la communauté, dans les structures d’accueil, etc. (Pierre Bühler, p. 203)


 

Prions…

 

À la suite de cet encouragement de Pierre Bühler à la communion de tous et toutes en Christ, animés par l’Esprit, je souhaite prier avec Thomas Merton, moine cistercien britannique (1915-1968) et précurseur du dialogue interreligieux. Prions pour que ces débats nous mènent à une plus grande compréhension mutuelle et, au-delà des oppositions, nous portent vers l’unité, tous membres d’un même corps dont la tête est le Christ.

Dieu, nous sommes un avec Toi.
Tu nous as faits un avec Toi.
Tu nous as enseigné que,
si nous sommes accueillants
les uns aux autres, tu demeures en nous.

Aide-nous à garder cette ouverture
et à nous battre pour elle de toutes nos forces.
En nous acceptant les uns les autres
complètement, totalement,
le cœur grand ouvert,
c’est toi que nous acceptons,
c’est toi que nous aimons de tout notre être.

Car notre être est au cœur de ton être
et notre esprit s’enracine dans ton esprit.
Emplis-nous d’amour
et fais que l’amour nous lie les uns les autres
tandis que nous parcourons nos chemins divers.

Amen.

Cheminer vers une Église inclusive…

Suite à la lecture de l’ouvrage L’Accueil radical. Ressources pour une Église inclusive, édité par Yvan Bourquin et Joan Charras Sancho aux éditions Labor et Fides, j’ai assisté à la présentation de cet ouvrage à Neuchâtel le 12 mai 2016. Plusieurs membres de l’Église évangélique réformée de Neuchâtel (EREN) parmi l’assemblée se sont alors senti.e.s appelé.e.s à former un groupe de partage et de rencontre. Par la suite est né le groupe de partage et l’association chrétienne LGBT et alliés Arc-en-Ciel (www.arcenciel-ne.ch) dans lesquels les principales confessions chrétiennes de Suisse sont réunies (catholique romaine, catholique chrétienne, réformée, évangélique) .

Présidente de cette association, j’ai souhaité résumé L’Accueil radical afin de rendre l’ouvrage accessible à des lecteurs et lectrices moins chevronné.e.s que moi, et donner envie à chacun et chacune de lire ensuite avec attention les chapitres qui auront suscité leur intérêt. Dans l’optique de cheminer à partir de cet ouvrage, je pose des « questions à nos Églises » qui peuvent nous aider à nous situer et à entamer une voie de réflexion, peut-être aussi à prendre la décision de mettre en route certaines démarches concrètes.

Si nous n’avons en tant que groupe et association aucune vocation contestataire ou poids institutionnel particulier, beaucoup de nos membres souhaitent être des ferments dans leurs Eglises, et les enjoindre à cheminer vers l’inclusivité. Le cheminement des différentes confessions en Suisse, sans parler des réalités cantonales et locales spécifiques et variées, n’en est pas toujours au même point, certaines questions se posent autrement. Cependant, quelle que soit l’étape à franchir, le chemin à parcourir, il est toujours bon d’affermir et d’approfondir cette mise en route vers une attitude d’accueil inconditionnel d’où, j’espère, l’intérêt général de ma démarche.

Ensemble, nous souhaitons approfondir, vivre, manifester, et promouvoir l’accueil inconditionnel que l’Église, quelle que soit sa confession, doit selon nous à tout être humain, particulièrement à ceux et celles relégués en marge de nos institutions, telles les personnes LGBT. Nous souhaitons afficher la volonté de membres de nos Églises de cheminer vers l’inclusivité et inviter chacun et chacune à prendre la route à nos côtés. Nous souhaitons apprendre chaque jour à suivre le Christ qui a pleinement accueilli notre humanité, qui l’a aimée et qui s’est mis à son service sans rejeter personne.

Bien à vous,

Cécile

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