Oser parler de sexe et de violence en Eglise

Samedi 7 décembre 2019 a eu lieu le brunch d’hiver de l’Antenne Inclusive de la paroisse Saint-Guillaume. Le thème de la journée était « Sexe et violence : un défi pour l’Église. Une vraie confiance à construire ensemble ».  Eva Lefèvre, stagiaire en Master de théologie protestante, nous offre ce compte-rendu.

 

Après la présentation de la journée, chacun·e a pu profiter du buffet préparé par les différent·e·s membres de l’Antenne. La première intervention de la journée a été menée par Alice Peyrol-Viale. Elle est revenue sur la présentation de Josselin Tricou, docteur en sciences politiques, lors de la Chapelle arc-en-ciel du lundi 2 décembre, et qui avait pour thème « La masculinité dans l’Église catholique ». Le chercheur a remarqué une vraie volonté d’affirmer la masculinité du prêtre dans l’Église catholique romaine. Cette volonté est liée à l’insistance sur la dualité des genres. L’homme doit être viril, la femme doit être à l’écoute et dans la compassion. Il y a même des stages non mixtes de masculinité et de féminité organisés par l’Église catholique. Enfin, l’homosexualité des prêtres a également été évoquée. En effet, il n’existe que deux modèles conjugaux pour les catholiques : le prêtre célibataire ou le mariage hétérosexuel. Les hommes ne se reconnaissant pas dans cette image du mariage décident alors de se diriger vers la prêtrise. L’hypothèse du chercheur est que ce serait une des raisons qui expliquerait la grande proportion d’homosexuels dans le clergé catholique.

 

La deuxième intervention (par Skype) a été proposée par Anthony Favier, spécialiste du « genre catholique ». Le sujet était « Du cléricalisme et du moralisme au discernement, un défi pour nos communautés chrétiennes ». Il a expliqué que le système construit permettant des abus sexuels commis par le clergé catholique s’effondre. Ce système reposait sur deux piliers : le cléricalisme et le moralisme. Le cléricalisme n’est pas seulement la dénonciation de la hiérarchie, mais il représente surtout « la façon dont la domination et les abus qui peuvent en découler se nourrissent d’une sublimation de la sexualité et d’une mise à l’écart d’une catégorie spécifique des baptisés : les prêtres ». Le moralisme, quant à lui, est une « interprétation impérative, voire la confiscation de la morale par des autorités civiques ou religieuses ». La crise qui voit tomber ces deux piliers permet de prendre conscience des limites dans lesquelles l’éthique sexuelle était pensée jusqu’à présent au sein de l’Église catholique romaine. La problématique des pseudo « thérapies de conversion » pour les personnes homosexuelles a également été abordée. Ces thérapies se fondent sur un comportement pervers puisque la culpabilité est déclenchée chez la personne concernée pour ensuite lui proposer un remède. Enfin, Anthony Favier a plaidé pour « la patience, l’humilité et le discernement contre la violence de l’Église ». Pour cela, plusieurs mesures doivent être mises en place : mettre au centre les victimes, décléricaliser l’Église, ne pas avoir peur du scandale…

 

Après un petit temps de pause, une animatrice des figurines bibliques, Corinne Lafabrègue, nous a proposé un moment de respiration autour de la parabole du bon berger. Grâce à des tissus colorés et des quelques figurines représentant un berger et des moutons, elle a su nous conter d’une manière originale et imagée cette parabole. Nous avons ensuite eu un petit temps d’échange sur la représentation et la signification du berger et des moutons pour nous aujourd’hui.

 

Puis, Étienne et Christophe ont apporté leur témoignage. En effet, ils ont tous deux connu la même forme de violence de la part de leur Église d’origine, qui les a rejetés à cause de leur appartenance à la communauté LGBTI. Ils ont connu (ou connaissent encore) non seulement le rejet, mais aussi le harcèlement. En tant que membres de l’Antenne Inclusive qui se veulent témoins d’un Évangile de l’amour et de l’accueil, nous n’avons que pu être touchés par ces situations. Suite à ces témoignages, s’est exprimée la volonté d’interpeller au moins une de ces deux Églises au sujet de l’accueil des personnes LGBTI. Et bien sûr, l’Antenne et la paroisse seront présentes pour ces personnes afin de les aider et de les accompagner.

 

La dernière intervention a été menée par Christine Aulenbacher, maîtresse de conférence de théologie pratique à la faculté de théologie catholique de l’université de Strasbourg. Avec elle, nous sommes revenus sur les différents moments de la journée afin de nous demander : comment construire ensemble une confiance ? Différents points ont été abordés, dont la question de l’abus. Pour la théologienne, on ne devrait pas parler d’abus mais d’agressions, car l’abus implique déjà un seuil de tolérance (comme dans l’abus de pouvoir). Or, pour les agressions sexuelles, notamment sur les mineurs, il ne devrait y avoir aucun seuil de tolérance. La notion de perversité a également été évoquée par rapport aux comportements qui peuvent mener à des agressions sexuelles. Un des thèmes importants abordé lors de ce bilan est celui de la prévention. Non pas de la prévention auprès de potentiels agresseurs, car ils sont dans une logique perverse qui les empêche d’y être réceptifs. Mais nous avons insisté sur l’importance de la prévention chez les jeunes. Et avant d’être le rôle de l’Église, c’est avant tout le rôle de la famille d’éduquer ses enfants à ce qu’est une agression sexuelle, à la manière de réagir etc.

 

Enfin, tout au long de la journée, les participant.e.s pouvaient écrire des messages sur du papier coloré découpé en forme de colombes, de cœurs, de mains ou de bulles. Et une guirlande, qui servira de décor pour les prochaines Chapelles arc-en-ciel, a été constituée avec ces formes où ont été inscrits des messages d’amour, de confiance ou d’interpellation. Cette journée a donc été forte en réflexion, grâce aux différents intervenant·e·s, et ce fut également un beau moment d’échange et de rencontres !