#metoo dans la Bible : prédication de Joan Charras-Sancho

#metoo dans la Bible : prédication de Joan Charras-Sancho


Joan Charras-Sancho, co-éditrice de L’accueil radical, a donné cette prédication au @LAB, à Genève (09/02/2020) et à la paroisse Saint Guillaume de Strasbourg, où elle est co-fondatrice et présidente de l’Antenne Inclusive (07/03/2020, veille de la Journée Internationale de lutte pour les droits des femmes).
Le texte de prédication est 2 Samuel 13, soit le viol de Tamar, qui se trouve en fin de prédication (à lire avant pour mieux comprendre).

« Ras le viol ! »

Ce slogan féministe résume bien le sentiment qui m’habite à chaque fois que je lis ce passage en 2 Samuel. Le décor est classique : une jeune femme est belle, un homme la désire et le désir de cet homme semble le dédouaner de tous les crans de sécurité qui existent pourtant. Cette notion de « cran de sécurité » m’a été soufflée par mon mari, cet adorable pasteur avec lequel je partage mes jours et mes nuits. Lors de la déferlante originelle #metoo, on débriefait comme tous les soirs notre journée et je lui ai exprimé mon étonnement face au déni et au refus de voir le problème de beaucoup d’hommes. Au lieu d’accueillir avec empathie et maturité ces témoignages de violences sexuelles, nombre d’entre eux criaient au complot, ricanaient et semblaient vouloir minimiser le problème.

« C’est normal Joan » m’a-t-il expliqué. « Nous, les garçons, depuis touts petits, on a un cran de sécurité. Si on pousse un peu, si on embête les filles, si on exagère, on nous dit « hé oh, faut se calmer, p’tit mec avec testostérone ». Et c’est tout. Souvent, même, on nous excuse en disant : « ah les garçons, c’est comme ça, ils ont besoin de montrer qu’ils sont forts. » Et ce cran de sécurité, qu’on l’utilise ou pas d’ailleurs, on en est quand même bénéficiaire. Sauf que là, tu vois Joan, #metoo, c’est une remise en question radicale de ce cran de sécurité. Et pour ceux qui en usent et en abusent, forcément, ça leur semble « injuste ». »

Voilà, j’étais mariée depuis 15 ans avec cet homme pacifique, non-violent, paternant mais jamais je n’avais pensé à lui demander pourquoi les hommes semblaient toujours si légitimes à nous faire chier. En fait, ils sont élevés avec un cran de sécurité qui les protège même lorsqu’ils ont tort. Et qui leur laisse largement le temps de mettre en place une stratégie pour contourner l’interdit.

Parce que dans cette histoire de Tamar, des interdits, des crans de sécurité, il y en a à la pelle ! D’abord, elle est la sœur d’un fils du roi (Absalom) – vous remarquerez au passage qu’elle n’est pas « la fille du roi », qui ne s’intéresse qu’à ses garçons -, ensuite elle est vierge et enfin celui qui la viole est un autre de ses frères (Amnon) ! Mais voilà : le désir de ce prédateur, aidé par les conseils criminels de son ami, et facilité par le déni de son père, David l’homme fatal, qui aligne lui-même les conquêtes rarement consenties, bref, ce désir n’a rien trouvé de cadrant ou de structurant sur son chemin pour l’arrêter.

« Quand une femme ne dit pas oui, c’est non. »

Visiblement, personne n’a jamais songé à enseigner ce slogan féministe à nos personnages bibliques. Que ce soit Haggar, la servante de Sarah transformée en utérus fécond ; Bethsabée qui ne faisait que prendre son bain rituel et que David est venu reluquer et toutes ces anonymes de la Bible, gagnées lors des guerres, achetées après viol, transmises de frère en frère…la liste est longue et affligeante. Et, paradoxalement, c’est ce que j’aime dans la Bible : rien n’est caché. Des scribes astucieux auraient pu masquer ces crimes abjects et faire passer nos patriarches pour ce qu’ils ne sont pas : des hommes justes et droits. Ma compréhension de la situation est à l’inverse : c’est en refusant le déni que les textes de la Bible nous obligent à comparer la situation d’alors et celle d’aujourd’hui. Le consentement et le désir réciproque sont-ils enseignés ? La parole des femmes au moment des rapports sexuels est-elle prise en compte ? Quels progrès avons-nous fait en 3500 ans ?

« Chaque homme que je rencontre veut me protéger. Je ne vois pas de quoi. »

Encore un slogan qui fait écho au texte du jour. La réaction du frère de Tamar, Absalom, est indignante (et indigne !) puisque dans un premier temps, il lui dit de se taire tandis que David est « très fâché » mais ne fait rien. Les deux rentrent en eux leur colère et exigent de Tamar le silence. Ce silence qui tue à petit feu. Ce silence dans lequel on se noie, on se perd. Comme on dit : un silence assourdissant. Et pourtant…l’honneur exige d’Absalom qu’il venge sa sœur, sa petite sœur chérie dont l’une de ses filles héritera du prénom. Absalom confond vengeance et justice. Il fomente un plan et enivre son frère Amnon pour le tuer. David, une fois de plus, exprime sa tristesse. Mais il finit par « oublier. » Tout est nommé dans cette histoire : l’injonction à se taire, la vengeance qui se mange froide, la tristesse qu’on enfouit et tout ce qu’on se force à oublier. Et, summum de la toxicité : l’honneur qu’on lave avec le sang.

« Nos jupes sont courtes mais pas nos idées. »

Ce slogan est celui que je préfère. Tamar, ma matriarche, celle que personne n’a su protéger, ne manquait pas de suite dans les idées puisqu’au moment où elle réalise que son frère veut la violer, elle lui offre une porte de sortie tout en se ménageant un répit : « Je te prie, parle au roi, il ne refusera pas de me donner à toi. » Que nos matriarches étaient intelligentes ! Entre Léa qui négocie une nuit d’amour en échange d’une fleur, Esther qui sauve son peuple en séduisant le roi, Anne qui pleure au Temple jusqu’à ce qu’elle obtienne un bébé et la sœur de Moïse qui organise sa survie d’une manière exemplaire…nous avons hérité de ces stratégies de survie, de ces ruses et d’une manière spécifique d’analyser le monde qui nous entoure pour nous glisser dans les rares brèches existant dans le plafond de verre.

« Lâchons nos casseroles, prenons la parole ».

Ce dernier slogan est une injonction et il vaut mieux se méfier des injonctions. Si la casserole est tout ce qui vous permet d’exister ou de vous défendre, cramponnez-vous à elle, au contraire. Mais si vous le pouvez, quand vous le pouvez, abandonnez tranquillement vos casseroles, ces rôles et ces assignations, ces stratégies et ces ruses dont nous avons hérité. Une des étapes pour cette transformation dans nos vies est peut-être le #metoo.

#metoo, j’ai hérité de casseroles. #metoo, j’ai subi le désir d’un homme. #metoo, je refuse les insultes sexistes, homophobes, racistes. #metoo, je cherche la justice et une communauté inclusive et aimante.

#metoo, je suis aimée inconditionnellement par le Dieu de mes matriarches, dont il a permis que leur témoignage vienne jusqu’à moi. #metoo, je ferai connaître le prénom des survivantes en les donnant à mes filles.

Que la rouah’, l’esprit saint féminin des Ecritures, nous inspire individuellement et collectivement, à suivre les pas du Christ et à être, dernier slogan « féministes tant qu’il le faudra ! »

A Dieu seul la gloire.

2 Samuel 13 Viol de Tamar par Amnon
1Après cela, voici ce qui arriva. Absalom, le fils de David, avait une sœur qui était belle et qui s’appelait Tamar. Or Amnon, le fils de David, tomba amoureux d’elle. 2Amnon était anxieux jusqu’à se rendre malade à cause de sa sœur Tamar. En effet, elle était vierge et il lui paraissait difficile de faire la moindre tentative auprès d’elle. 3Amnon avait un ami du nom de Jonadab. C’était un fils de Shimea, le frère de David, et un homme très rusé. 4Il lui demanda: «Pourquoi deviens-tu donc chaque matin plus abattu, toi qui es un fils de roi? Ne veux-tu pas me le dire?» Amnon lui répondit: «J’aime Tamar, la sœur de mon frère Absalom.» 5Jonadab lui dit: «Mets-toi au lit et fais le malade. Quand ton père viendra te voir, tu lui diras: ‘Permets à ma sœur Tamar de venir me donner à manger. Qu’elle prépare un plat sous mes yeux, afin que je le voie, et qu’elle me serve elle-même à manger.’» 6Amnon se coucha et fit le malade. Le roi vint le voir et Amnon lui dit: «Que ma sœur Tamar vienne donc faire deux gâteaux sous mes yeux et qu’elle me les serve elle-même.»
7David fit dire à Tamar dans ses appartements: «Va donc chez ton frère Amnon et prépare-lui un plat.» 8Tamar alla chez son frère Amnon, qui était couché. Elle prit de la pâte, la pétrit, prépara des gâteaux devant lui et les fit cuire. 9Elle prit ensuite la poêle et les déposa devant lui, mais Amnon refusa de manger. Il ordonna de faire sortir tout le monde, et tout le monde sortit de chez lui. 10Alors Amnon dit à Tamar: «Apporte le plat dans la chambre et sers-moi.» Tamar prit les gâteaux qu’elle avait faits et les porta à son frère Amnon dans la chambre. 11Comme elle les lui présentait à manger, il l’attrapa et lui dit: «Viens, couche avec moi, ma sœur.» 12Elle lui répondit: «Non, mon frère, ne me déshonore pas, car on n’agit pas de cette manière en Israël. Ne commets pas cet acte odieux! 13Où irais-je, moi, traîner ma honte? Et toi, tu serais comme l’un des plus ignobles en Israël. Maintenant, parle donc au roi et il ne m’empêchera pas d’être à toi.» 14Mais il ne voulut pas l’écouter. Il se montra plus fort qu’elle et il la viola, il coucha avec elle. 15Puis Amnon éprouva de la haine envers elle, une haine plus forte encore que ne l’avait été son amour, et il lui dit: «Lève-toi, va-t’en!» 16Elle lui répondit: «Non! N’augmente pas, en me chassant, le mal que tu m’as déjà fait.» 17Il refusa de l’écouter. Appelant le garçon qui était à son service, il dit: «Qu’on fasse partir cette femme de chez moi, qu’on la mette dehors! Et ferme la porte derrière elle!» 18Elle portait une robe de plusieurs couleurs. C’était en effet la tenue que portaient les filles du roi aussi longtemps qu’elles étaient vierges. Le serviteur d’Amnon la fit sortir et ferma la porte derrière elle. 19Tamar déversa de la cendre sur sa tête et déchira sa robe multicolore. Elle mit la main sur sa tête et s’en alla en poussant des cris.
20Son frère Absalom lui dit: «Est-ce que ton frère Amnon a couché avec toi? Maintenant, ma sœur, garde le silence, car c’est ton frère. Ne prends pas cette affaire trop à cœur.» Et Tamar s’installa, accablée, chez son frère Absalom. 21Le roi David apprit tout ce qui s’était passé et il en fut très irrité. 22Quant à Absalom, il ne parla ni en bien ni en mal à Amnon, mais il éprouva de la haine pour lui parce qu’il avait déshonoré sa sœur Tamar.
Meurtre d’Amnon et fuite d’Absalom
23Deux ans après, comme il avait les tondeurs de moutons chez lui à Baal-Hatsor, près d’Ephraïm, Absalom invita tous les fils du roi. 24Il alla trouver le roi et dit: «Ton serviteur a les tondeurs de moutons chez lui. Que le roi et ses serviteurs viennent chez ton serviteur.» 25Le roi dit à Absalom: «Non, mon fils! Nous n’irons pas tous chez toi, nous risquerions d’être une charge pour toi.» Absalom insista auprès de lui, mais le roi ne voulut pas y aller. Toutefois, il le bénit. 26Absalom dit: «Permets du moins à mon frère Amnon de venir avec nous.» Le roi lui répondit: «Pourquoi irait-il chez toi?» 27Sur l’insistance d’Absalom, le roi laissa Amnon et tous ses fils partir avec lui.
28Absalom donna cet ordre à ses serviteurs: «Faites bien attention au moment où le cœur d’Amnon sera réjoui par le vin et où je vous dirai de le frapper! Alors faites-le mourir sans crainte! N’est-ce pas moi qui vous l’ordonne? Montrez-vous forts et pleins de courage!» 29Les serviteurs d’Absalom traitèrent Amnon comme Absalom l’avait ordonné. Tous les fils du roi se levèrent alors, montèrent chacun sur son mulet et s’enfuirent.
30Ils étaient encore en chemin quand le bruit parvint à David qu’Absalom avait tué tous les fils du roi et qu’il n’y avait pas un seul survivant. 31Le roi se leva, déchira ses habits et se coucha par terre. Tous ses serviteurs se tenaient là, les habits déchirés. 32Jonadab, fils de Shimea, le frère de David, prit la parole. Il dit: «Que mon seigneur ne pense pas que ce sont tous les jeunes gens, tous les fils du roi, qu’on a fait mourir. En effet, seul Amnon est mort. Absalom avait pris cette décision le jour où Amnon avait violé sa sœur Tamar. 33Que le roi mon seigneur ne se tourmente donc pas à l’idée que tous ses fils seraient morts. En effet, seul Amnon est mort.»
34Absalom prit la fuite. Or le jeune homme placé en sentinelle leva les yeux et regarda. Il vit une grande troupe venir par le chemin qui était derrière lui, du côté de la montagne. 35Jonadab dit au roi: «Voici les fils du roi qui arrivent! Cela confirme ce que disait ton serviteur.» 36Il finissait de parler quand les fils du roi arrivèrent. Ils se mirent à pleurer tout haut; le roi et tous ses serviteurs pleurèrent eux aussi abondamment. 37Absalom avait pris la fuite et il se rendit chez Talmaï, fils d’Ammihur et roi de Gueshur. Quant à David, il menait tous les jours deuil sur son fils.
38Absalom resta 3 ans à Gueshur, où il s’était rendu après avoir pris la fuite. 39Le roi David cessa de poursuivre Absalom lorsqu’il fut consolé de la mort d’Amnon.
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