Matthieu Mégevand, un éditeur exigeant et engagé

Matthieu Mégevand est un éditeur nouvelle génération, le genre de jeune papa qui s’excuse de ne pas venir à une soirée de présentation de l’Accueil Radical car il veut rester auprès de son bébé. Lui-même écrivain, il comprend les angoisses des auteurs qui sont inquiets quant à la diffusion de leur livre ; lui-même protestant exigeant, il aime défendre une ligne éditoriale innovante, qui challenge les Eglises.

Bien que ce soit son prédécesseur, Gabriel de Montmollin, qui ait validé le projet d’édition de l’Accueil radical, Matthieu Mégevand s’y retrouve aussi et il nous explique pourquoi dans cet interview.

Joan Charras Sancho : Tout le monde connaît, de réputation, la maison d’édition Labor&Fides. Comment résumerais-tu son histoire, sa marque de fabrique, sa vision ?

Matthieu Mégevand : Labor et Fides est aujourd’hui le principal éditeur protestant francophone. Créé en 1924, Labor et Fides a acquis son envergure dans les années 1950 à 1970 grâce la publication en langue française des œuvres de grands théologiens et penseurs tels Karl Barth, Dietrich Bonhoeffer, Martin Luther ou encore Paul Tillich.

Aujourd’hui, Labor et Fides décline une ligne éditoriale inscrite sur trois axes : des publications qui relayent la réflexion menée dans les Facultés de théologie protestante francophones, des essais relatifs à l’actualité religieuse, spirituelle, théologique et protestante et des livres qui s’inscrivent dans l’actualité sociale, culturelle et politique.

Joan Charras Sancho : Qu’as-tu pensé en premier lorsque tu as découvert le projet d’édition l’Accueil Radical ? Quelles chances et quelles difficultés as-tu entrevu dès le départ ?

Matthieu Mégevand : Il s’agit d’un ouvrage à la fois indispensable et courageux : indispensable, car il s’inscrit dans une discussion de fond qui dépasse largement le protestantisme et même le christianisme et auquel les Eglises, les théologiens doivent absolument participer, parce qu’ils possèdent des outils de réflexions qui leur sont propres et qui peuvent alimenter le débat voire lui donner un souffle nouveau. Courageux car la position que le livre défend est – que ce soit dans le christianisme mais au sein de presque toutes les religions – minoritaire voire ultra-minoritaire, et pourtant la plus juste et la plus cohérente à mes yeux.

Joan Charras Sancho : Ce livre s’est correctement vendu, à 650 exemplaires en huit mois. Pourtant, on aurait pu espérer faire mieux. Quels ont été les freins, d’après toi ?

Matthieu Mégevand : C’est un très beau chiffre pour un livre de ce type qui est dû principalement à l’activisme et au dynamisme des deux initiateurs du projet, Yvan Bourquin et Joan Charras Sancho.

Pour les freins, il y a d’abord une question interne : un livre collectif avec plus d’une dizaine d’auteur-e-s (aux qualités parfois inégales) est toujours plus difficile à vendre qu’une monographie. Ensuite, il est clair que, en pleine « manif pour tous » de nombreux libraires catholiques ont pu montrer une certaine méfiance voire un certain rejet pour un livre aussi « radical » dans son propos.

Joan Charras Sancho : Quels sont tes projets d’édition en lien avec la thématique de l’accueil, de l’ouverture, de la lutte contre les discriminations ?

Matthieu Mégevand : plusieurs projets sont en cours, mais aucun n’est finalisé pour l’instant, je ne peux donc pas (encore) les évoquer. Mais c’est une thématique qui me tient à cœur et que je compte bien poursuivre.

Joan Charras Sancho : L’été arrive, avec les listes de livres que l’on déguste au bord de la mer, dans la maison de vacances, en haut d’une montagne…quels livres souhaiterais-tu recommander à nos lectrices et lecteurs ?

Matthieu Mégevand : Je dirais d’abord « Le complexe d’Elie » de Marion Muller-Colard, un magnifique essai qui fait le lien entre engagement spirituel et politique. Egalement, « Dans les coulisses de l’Evangile », un livre d’entretiens avec le professeur Andreas Dettwiler qui propose une magnifique introduction aux textes bibliques et à la foi protestante contemporaine. Enfin, pour être un peu plus léger, « Les feux de l’action », 15 mois en immersion au sein d’une caserne de pompiers, un livre palpitant et poignant du journaliste Thierry Mertenat .