Marina Zuccon, à l’avant-garde de l’inclusivité

Marina Zuccon, à l’avant-garde de l’inclusivité


Marina Zuccon, présidente du Carrefour de Chrétiens Inclusifs, est en charge de la formation continue à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Féministe engagée, elle est aussi mariée à Brigitte Chazel et maman d’un petit Samuel. Actuellement en doctorat, elle va nous partager son passionnant sujet de thèse !

Yvan Bourquin : Tu as entrepris l’année dernière un travail de recherches en sciences sociales, ce qui t’a conduite à Lausanne, où tu as procédé à des recherches d’archives et surtout à de nombreux entretiens avec des responsables de l’Eglise protestante vaudoise. Peux-tu nous rappeler tes objectifs ?

Marina Zuccon : Oui, je consulte ces personnes pour me faire une idée plus précise des discussions qui ont précédé la décision du synode vaudois, en 2012, d’envisager un rite pour personnes « partenariées » (autrement dit pour les couples de même sexe). La recherche est en cours. Elle est née de l’étonnement de voir des églises multitudinistes, ayant vécu des débats assez violents sur l’inclusion des personnes homosexuelles, s’ouvrir l’une après l’autre à la reconnaissance du ministère de ces personnes et des couples des personnes de même sexe. Et cela sans que jamais la question de la « nature » de l’homosexualité n’ait été tranchée. Ce qui ne les empêche pas de donner des signes d’ouverture très clairs, comme cela a été le cas pour l’Eglise protestante vaudoise.

Yvan Bourquin : Pour quelle raison as-tu choisi l’Eglise protestante du canton de Vaud pour ta recherche ? T’apparaît-elle comme libérale ?

Marina Zuccon : C’est une Eglise structurée, elle a des archives et pour moi elle est facile d’accès. De plus, elle a développé des arguments assez originaux, par exemple sur le pastorat. Par contre, elle ne peut pas être franchement qualifiée de libérale. En effet, les églises luthérienne et réformée en Europe ont rejoint dans l’ouverture les Eglises libérales qui dans les année 1980 avaient tranché pour le refus de l’’exclusion mais les dynamiques et les argumentaires sont assez différents. En particulier le pluralisme de ces Eglises les oblige à tenir compte des uns et des autres, dans un équilibre délicat…

Yvan Bourquin : Quelles sont tes observations à la suite de tes nombreux entretiens ? Vois-tu une ouverture ?

Marina Zuccon : Ce qui permet à ces Eglises d’avancer c’est de poser la question homosexuelle comme une question seconde qui ne fait pas partie des questions de foi. C’est pour cela qu’aucune unanimité n’est requise et qu’on peut considérer comme légitimes des positions et des pratiques différentes. Si l’on votait sur la nature de l’homosexualité, ou si l’on imposait un « consensus » sur cette question, ou sur toute autre, cela signifierait qu’on donne au vote ou au consensus le rôle d’autorité interprétative du texte biblique, et il faut rappeler que personne n’a ce rôle en protestantisme. Les décisions se prennent donc à partir de l’institution en tant que telle, dans ses rapports multiples avec les autorités, la société, etc. J’y vois une ouverture dans le sens où ce sont des Eglises qui n’ont pas d’autorité qui juge les cœurs afin de décerner leur état de sauvés ou de pécheurs ; donc les frontières entre le dedans et le dehors, par exemple pour l’accès à la Cène, sont poreuses, ouvertes.

Yvan Bourquin  : Et quelle sera la suite de tes démarches ?

Marina Zuccon : Il me faut avoir d’autres entretiens, avec des interlocuteurs qui ont clairement le souvenir des discussions dans les années 2000. J’espère terminer mon mémoire en septembre prochain, et peut-être le publier sous forme de livre ou d’article ; si le sujet intéresse peu la francophonie, je pourrais me tourner vers des éditeurs italiens.

Yvan Bourquin : Marina, ta compagne Brigitte et toi-même êtes mamans d’un petit Samuel depuis l’année dernière ; quel est ton ressenti, quelles sont vos expériences dans ce nouveau cadre ? Quels changements cette naissance a-t-elle occasionnés dans votre organisation ?

Marina Zuccon : C’est une expérience bouleversante, beaucoup plus profonde que ce à quoi nous nous attendions. Comme il nous a fallu du temps pour parvenir à nos fins, nous nous focalisions surtout sur la grossesse. Nous ne nous préoccupions pas trop de la suite, si bien que nous allons de surprise en surprise. Nous avons surtout le sentiment  d’avoir à faire avec une personne au caractère déjà très marqué, et cela dès sa naissance ! Avoir un bébé implique d’importantes modifications d’emploi de temps. Mais, nous sommes ravies, notre petit est magnifique, super-intelligent, c’est le plus beau des garçons du monde !

Yvan Bourquin : Comment avez-vous vécu la dernière rencontre du Carrefour de Chrétiens Inclusifs à Strasbourg avec votre petit Samuel ? Et quels sont les plans d’avenir du CCI et vos prochains projets ?

Marina Zuccon : Il y avait à nouveau quatre enfants parmi nous, ce qui créait un équilibre intéressant avec une grande diversité. Nous l’avions déjà vécu par le passé et c’est ce vers quoi nous souhaitons tendre. Brigitte et moi sommes reparties contentes, « bien nourries ». La retraite du CCI a atteint une certaine maturité, elle représente un lieu vraiment inclusif. On y trouve un bon équilibre entre les âges, les sexes, les orientations sexuelles et les identités de genre. Il y règne une belle harmonie. Nous sommes dans une phase de consolidation, après notre ouverture sur le plan international. La question de l’annuaire (paroisses et lieux d’Eglise inclusifs) est en cours d’élaboration, de même qu’un projet au sujet du coming out en Eglise.

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