Marianne Guéroult, une pasteure-clown à la foi qui doute
Marianne Guéroult est une pasteure luthérienne hors catégories. Touchée de près par la maladie, elle lutte avec sa foi atypique pour rester en lien avec elle-même, et ce Dieu qu’elle aime nommer autrement. Pleine de vie, elle porte la vie et c’est toute surprise qu’elle constate que son livre, qu’on lit d’un trait, presque le souffle coupé, suscite intérêt et questions. Au Grand Kiff 2016, à Saint Malo où nous avons fait cette interview, Marianne a été l’une des grand.e.s témoins auprès des jeunes.
Si pour vous, suivre Dieu n’est pas un chemin parsemé de roses, cet interview vous ira droit au cœur !
Joan Charras-Sancho : Comment est-ce que tu aimerais te définir ? Pasteure ? Clown ? Dans le doute ?
Marianne Guéroult : (Rires). Tout ça à la fois, c’est possible ? A la base, je suis pasteure mais le doute a toujours été là. Ce doute fait partie de ma foi ; je crois, c’est fragile, donc je m’interroge sur mon chemin. Et puis le clown, je l’ai rencontré après. C’est passé d’une activité périphérique – être clown à l’hôpital – à un espace, un lieu de rencontre profondément humain. C’est en lien avec ma foi, mais je ne le vis pas seulement d’un point de vue spirituel. C’est cette mise à nu, cette vérité qui m’a retenue.
Joan Charras-Sancho : Maintenant, tu es clown et pasteure. Avant, tu t’occupais du Projet Mosaïc à la Fédération Protestante de France, afin de recenser, fédérer et valoriser les communautés protestantes issues de l’immigration. Quel lien vois-tu entre ton ministère actuel et celui d’avant ?
Marianne Guéroult : Ce ministère m’a permis d’approfondir ce que j’aimais : créer du lien, aller à la rencontre des autres. Je me suis progressivement détachée de tous mes repères initiaux : alors que je voulais être aumônier d’hôpital, on m’a proposé le Projet Mosaïc et moi qui venais des milieux un peu restreints luthériens parisiens, j’ai été amenée à m’ouvrir à l’international. Je réalise que j’avais une soif d’ouverture auprès de nouvelles expressions de la foi et c’est cette foi qui doute et qui ne m’enferme en rien, qui me laisse libre de découvrir toute la diversité du protestantisme. La diversité des relations théologiques de ce poste est venue rejoindre quelque chose au fond de moi, elle m’a enrichie, à tous points de vue. Toute religion ou confession, quand elle croit détenir LA VERITE, me semble dangereuse. Etre clown, c’est aussi s’ouvrir aux autres, entrer en relation de façon extravagante, différente, sensible, mais toujours respectueuse de qui je suis et de qui est l’autre.
Joan Charras-Sancho : Où est-ce que le concept d’inclusivité te rejoint dans ton approche ?
Marianne Guéroult : Dès la faculté de théologie, j’étais persuadée que je pouvais vivre une vraie fraternité avec tous les hommes et toutes les femmes, peu importe leur genre ou leur orientation sexuelle. J’ai rencontré des croyant.e.s LGBTI montrés du doigt dans les Eglises, culpabilisés et j’ai toujours souhaité les accueillir sans jugement, sans faire de différence. Pour élargir mon approche, je dirais que lorsque je travaillais dans le Projet Mosaïc, j’ai rencontré beaucoup de pasteurs issus de l’immigration, et qu’ils souffraient eux aussi du rejet, en France. Moi aussi, j’ai connu le rejet dans ma vie et ça m’a amené à accueillir positivement les « hors-normes ». Je ne suis pas militante pour l’inclusivité mais pour moi, ça va tellement de soi…
Joan Charras-Sancho : Dans ton livre, tu évoques de façon authentique ta lutte contre la maladie mais aussi ton dialogue incessant avec Dieu. Est-ce que c’est audible dans nos Eglises aujourd’hui ?
Marianne Guéroult : Je pense que c’est audible, pour certain.e.s. Ce qui est sûr, c’est que ça interpelle ! Je rencontre beaucoup de personnes qui me disent s’être posé une foule de questions pendant leur maladie. Par contre, au niveau institutionnel, même parmi mes collègues pasteurs, je ne sais pas si c’est audible. Cette mise à nu, cette liberté de ton, cette visibilité peuvent gêner. Je le comprends même si c’est dur.
Joan Charras-Sancho : Etre malade, être en proie au doute, être homosexuel.le, se cacher…L’Eglise a-t-elle du mal avec ce qui sort du cadre?
Marianne Guéroult : Une pasteure n’est pas attendue sur le terrain du doute, de l’authenticité quant à ses souffrances, ses difficultés…
La norme est pesante pour tous les hors-normes !