Inclure et reconnaître la diversité dans l’Eglise, notes d’Isabelle Alves

Inclure et reconnaître la diversité dans l’Eglise, notes d’Isabelle Alves


« Inclure et reconnaître la diversité dans l’Eglise », journée de formation proposée à l’IPT le lundi 17 octobre 2016.

 

Lisez le super compte-rendu d’Isabelle Alves, pasteure à Dunkerque : c’est comme si vous y étiez !

 

Une journée bien pleine que cette journée qui a tenté de parler d’« inclure et reconnaître la diversité en Église »…

 

Bon, d’abord, moi je n’y connais rien, à toutes ces histoires d’inclure… mais la diversité, je pratique tous les jours dans mon Eglise, et si ça n’est certainement pas la facilité, c’est un challenge qui m’intéresse – sauf les jours de baisse de régime ou ceux où une des diversités présentes m’a trop bousculée…

 

D’où l’intérêt de commencer la journée avec Marina Zuccon, du Carrefour des Chrétiens Inclusifs, par quelques précisions de langage : intégrer, inclure, quelle différence ? Je me rends compte que j’ai tendance à utiliser les deux mots indifféremment, alors que l’un (intégrer) véhiculerait plutôt l’idée que l’individu doit se conformer au tout, tandis que l’autre (inclure) celle que l’individu reste lui-même dans ce tout… Comme le dira plus tard une autre intervenante, il faudra sans doute trouver encore d’autres mots pour dire la réalité que nous allons découvrir en apprenant à vivre ensemble, divers que nous sommes.

 

Puis voilà Jean Vilbas, qui nous fait un bref aperçu historique de l’évolution depuis 1964 de l’accueil des personnes LGBT (ça y est, on est dans le patois de Canaan local) dans les Églises d’Amérique du Nord, d’un « parler sur » les personnes concernées à des créations d’alternatives ecclésiales comme des communautés virtuelles sur internet avec parfois des rassemblements pour des célébrations ponctuelles, en passant par le « faire avec » les personnes, et des pastorales spécifiques là où il y a des besoins spécifiques.

 

Une conviction forte au cœur de ces évolutions : le cœur de l’Évangile est la généreuse et extravagante hospitalité de Dieu tel qu’il se fait connaître en Jésus-Christ. Vous trouvez ça beau, voire lumineux ? Moi aussi !

 

Puis nous passons à un éclairage biblique, avec Yvan Bourquin qui vient nous parler de l’argument de la nature chez Paul et son dépassement : nous découvrons que lorsque Paul parle aux Romains de choses contre-nature, c’est parfois des chrétien.ne.s qu’il parle, eux et elles qui sont greffé.e.s sur la racine juive de l’arbre du peuple de Dieu… (et on découvre au détour du discours que Thomas d’Aquin, contre toute attente, aurait des tendances inclusivistes!)

 

Valérie Nicolet nous parle encore de Paul, à partir de Galates 3,28 : les aléas de l’emploi d’un verset clé dans les questions d’inclusivité. Elle parle d’eschatologie, d’apocalyptique, du signe visible de la proche fin du monde qu’est la communauté chrétienne où vivent ensemble toutes sortes de gens – surtout juifs et non-juifs. Pour Paul, ce qui constitue le peuple de Dieu, ce n’est plus la circoncision, mais la foi en Jésus-Christ Messie d’Israël. Ce dénominateur commun forme la communauté dans laquelle ne sont pas effacées les différences. Mais ce verset, s’il dit que tous sont membres du peuple de Dieu, ne dit pas comment ces personnes différentes peuvent vivre ensemble…

 

Une piste de réflexion : Paul met en avant ailleurs la nécessité de prendre en compte les besoins des membres de la communauté les plus faibles, les plus fragilisés, les plus vulnérables, et de ne pas modeler la communauté selon les plus forts, ceux qui sont au pouvoir.

 

Une question me reste : qui sont les plus fragilisé.e.s en ces temps où les valeurs s’inversent, où les minorités parlent plus fort qu’avant ? Comment entendre aussi les fragilités de celles et ceux qui paraissent les plus solides et les prendre en compte ?

 

Un temps de questions permet d’amener dans la réflexion l’image de l’Église comme lieu neutre, lieu d’anonymat où les différences n’auraient pas d’importance, un lieu à part où les luttes identitaires n’auraient pas de raison d’exister… mais la neutralité nécessaire à cette image est-elle possible, dans une Église modelée au fil du temps plutôt par des mâles, occidentaux ?

 

Après la pause déjeuner, nous voilà dans l’univers de l’Église anglicane dans sa composante épiscopalienne, grâce à Rémy Bethmont qui nous parle de l’évolution entre 2009 et 2015 du travail sur la liturgie de mariage inclusif, puis à Lucinda Laird, prêtre épiscopalienne, qui a célébré des unions de même sexe avant même que cela soit officiellement mis en place par son Église.

Rémy Bethmont nous montre comment la réflexion sur les unions de couples de même sexe a fait évoluer la conception des relations d’alliance, qui incluent les mariages hétérosexuels, homosexuels, et aussi l’engagement à la vie monastique (j’avoue, celle-là je ne m’y attendais pas, et pourtant c’est plein de sens!). Qu’est-ce qui est commun à tous les foyers dans une relation d’alliance (Convenanted Households) ? : Contribuer au témoignage que donne l’Église de la nouvelle vie que Dieu offre en Christ et par l’Esprit, nouvelle vie célébrée par l’Église dans les sacrements de la nouvelle création.

Voilà qui ouvre des perspectives, n’est-ce pas ?

 

Lucinda Laird nous emmène, en anglais et français mélangés, sur le terrain des balbutiements des unions de même sexe : rencontres avec des couples dont la relation est de façon évidente destinée à former un de ces Convenanted Households (et voilà, j’ai même oublié de dire qu’il s’agit de couples de même sexe…), façonnage sur mesure de liturgies pour les célébrer, navigation entre autorités civiles et ecclésiales…

 

Conviction que les personnes elles-mêmes sont le sacrement : la bénédiction est la grâce de Dieu qui se montre, s’incarne dans la relation : quand on dit la bénédiction de Dieu, on reconnaît que la grâce de Dieu est déjà au travail dans la relation du couple, et qu’elle continuera ce travail dans l’avenir… Elle nous dit l’importance d’utiliser le terme de mariage pour tous les couples, d’autant plus grande dans un pays où le slogan « separate but equal », renvoie à l’époque de la lutte contre la ségrégation raciale, où ce slogan couvrait surtout des inégalités terribles…

 

Voici venu le moment de la table ronde, où nous allons un peu quitter le terrain des minorités LGBT pour parler de l’accueil de toutes les diversités. Isabelle Bousquet nous parle des questions et situations qu’elle rencontre grâce à son travail de pasteure à la Fondation John Bost, un lieu de vie avec des personnes porteuses de handicaps variés. Corinne Lanoir nous parle de l’accueil des migrants par les Églises Protestantes en Italie, Claude Besson nous reparle un peu de l’homosexualité, mais du point de vue des catholiques. Puis Stéphane Lavignotte noue la gerbe en parlant du vécu de l’inclusivité à la Maison Verte, où l’effort s’est porté simultanément sur l’inclusion des personnes LGBT, handicapées, socialement exclues… et où les aspérités de l’inclusivité ne sont pas toujours faciles à vivre, demandant une volonté de travail.

Un travail qui ne bénéficie pas seulement à celles et ceux qu’on veut accueillir, mais à soi-même, au groupe qui se met à ce travail et en est transformé, un travail qui demande aussi un effort permanent de traduction des différents langages utilisés par des personnes qui pensent pourtant parler la même langue mais sont issus de différents groupes qui en fait utilisent les mêmes mots pour signifier des choses différentes. Un travail qui demande de la part des différents acteurs l’adhésion à un projet commun, et le retour permanent à ce projet.

 

C’est peut-être cette dernière partie de la journée qui ouvre le plus pour moi les choses, qui commencerait un peu à répondre à mes interrogations – ou à provoquer d’autres questionnements ?

 

Vous savez comment après un colloque, une journée d’étude, on a beau avoir entendu beaucoup de choses, en fait il y en a deux ou trois auxquelles on s’attache plus particulièrement, même si on se souviendra au fil du temps de beaucoup d’autres ?

 

D’abord, la volonté de travailler à inclure celles et ceux qui peut-être ne sont même pas encore présent.e.s dans mon église. Quels qu’ils et elles soient, se demander comment leur faire une place au cas où ils et elles viendraient à passer par chez nous, une place à laquelle ils et elles pourraient peut-être avoir envie de revenir…

 

Ensuite, la nécessité de formation pour entrer dans cette démarche : pas seulement une réflexion théorique, mais un lieu où pouvoir dire ses peurs, ses tristesses, ses ras-le-bol, ses émotions… tout ce qui doit être déposé afin de pouvoir en démêler le pas suivant à faire pour accueillir l’autre – et peut-être l’autre que l’on découvre en soi-même…

 

Enfin, la priorité de permettre aux personnes accueillies, celles qui sont déjà là comme celles qui peut-être viendront, de se dire telles qu’elles sont, et peut-être aussi de les accompagner dans cette démarche, parce que notre société ne nous apprend pas à nous nommer nous-mêmes, juste à entrer dans des catégories pré-déterminées, auxquelles les autres et nous devons nous conformer…

 

Ah, et puis un émerveillement me reste comme impression générale de cette journée : avoir rencontré des personnes engagées, militantes, et ne pas avoir eu un seul instant d’impression d’agressivité ou de revendication violente, mais au contraire avoir senti des personnes pour qui le travail d’inclusivité comprend – voire même commence par – un travail sur soi pour dénicher, combattre et désarmer ses propres réflexes d’exclusion de ce qui dérange, de ceux/celles qui dérangent…

Merci donc à chacun.e des intervenant.e.s d’avoir semé avec bonté et générosité toutes ces belles graines dont j’espère qu’elles pourront germer et produire de beaux fruits de foi, d’amour et d’espérance dans l’Église !

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