Hetty Overeem, l’Evangile radical du chemin
Alors que se présente à nous l’année 2016, il nous a semblé intéressant de donner la parole à une pasteure « alternative » qui, tout en ne se ralliant pas à notre compréhension de l’inclusivité, a développé dans son ministère une forme d’accueil radical stimulant.
Hetty Overem est pasteure dans l’EERV et elle a choisi de l’être dans des lieux atypiques : sur des chemins de montagne, avec son âne, sa tente, son chien et sa roulotte et ce d’avril à septembre ; dans une cabane, dans la station de métro du Flon à Lausanne, d’octobre à mars. C’est lors de sa venue à Strasbourg, pour démarrer les festivités en lien avec le jubilé de la Réformation, que Joan Charras-Sancho l’a rencontrée.
Joan Charras Sancho : « Hetty, je viens de t’offrir mon livre. Qu’évoque en toi le terme « Accueil radical » ? »
Hetty : Je crois avoir compris que tu abordes, dans ton livre, la question du mariage des personnes de même sexe. Pour moi, ça n’est pas envisageable, je ne comprends pas la Bible de cette façon. Par contre, le terme « radical », j’aime, parce que c’est un terme qui va loin, qui implique l’accueil de toute personne, qui qu’elle soit. Finalement, c’est simple, de comprendre une personne, qui elle est. Elle est accueillie par Dieu dans sa totalité, radicalement. On accueille radicalement, à l’image de Dieu.
Maintenant, prenons le mot « accueil ». Ce n’est pas seulement une empathie, mais ça va plus loin. Comme on accueille la personne à l’image de Dieu, et dans ma pratique, c’est dans l’amour et la vérité. Je t’ai dit que je n’étais pas d’accord avec la bénédiction des couples homosexuels, j’ai eu peur de te blesser, et je crois que je t’ai blessée, mais je préfère dire les choses en vérité, comme je les comprends dans la Bible.
Finalement, accueillir radicalement, c’est encore une autre façon d’accueillir que celle que j’ai spontanément, c’est un amour qui amène vers plus de liberté. L’accueil de l’autre personne implique qu’on sorte de nos prisons, afin de se tourner vers la joie de Dieu. Pas pour changer la personne, la guérir, l’amener là où je veux mais pour l’interroger sur « qui est Dieu pour toi ?». Aller vers plus de liberté. Les gens que je rencontre veulent être plus libres mais ne savent pas comment s’y prendre. Personnellement, je cherche chaque jour à ma libérer des fausses images de Dieu…d’ailleurs, comment s’en débarasser ?
Il faut, je le crois, être radical jusqu’au bout. La gloire de Dieu en nous implique une radicalité qui ne doit pas se comprendre comme « être à la hauteur » mais d’aller pas à pas. Comme si Dieu me demandait si j’étais à ma place et m’aidait à cheminer vers cette liberté. Le désir de Dieu pour nous est radical – il nous demande d’être à notre place, de l’aimer en vérité (même si ce mot est connoté), il peut ne pas être content de nos compromis et de nos tiédeurs. La relation avec Dieu implique une dynamique, en étant radical, je veux que Dieu se révèle dans sa vérité.
Joan Charras Sancho : « Hetty, as-tu une anecdote, une histoire d’accueil radical ? »
Hetty : Il y a trois jours, je suis tombée en panne parce que le chien était malade, l’équipe de télé qui me suivait était stressée. Quelqu’un a proposé un coin d’étable pour l’âne mais rien pour moi. Nous n’avions plus de batterie pour les machines, pas de place à l’hôtel. Tout ce qu’il y avait c’était une pièce pas chauffée, avec un sol nu en béton (début novembre en Alsace, avec des températures proches du 0°C.) Et d’un coup, un homme est apparu, dans le noir, une casquette visée sur la tête. Il a dit, d’un air décidé, presque autoritaire, « bon, vous venez chez moi, je vous embraque avec vos bagages, plus de soucis ! » Je n’avais pas vraiment mon mot à dire. Magnifique.
Joan Charras Sancho : « Cette disposition à l’accueil, tu la cultives en tant que pasteure dans ta façon de vivre le ministère. Mais que manque-t-il à l’Église, actuellement, pour l’incarner ? »
Hetty : Oh, il y a beaucoup de manque. Pas seulement au niveau de l’accueil. C’est comme une maladie, j’appelle ça un manque de vie. Plein de choses s’y passent, on fait des activités agréables, comme si on était des poissons dans un aquarium alors qu’on devrait prendre des risques, aller vers des choses nouvelles. Le « vin nouveau » qu’on m’a fait goûter à Colmar, c’est dans la Bible. C’est un vin qui fermente, qui fait tout péter. Quand ça travaille, tout pète. On essaye d’enfermer ce vin et il nous échappe.
Cette vie nouvelle est liée à l’identité de Dieu qui n’est pas encore découverte, sans tomber dans l’idéalisme. Une réalité qui nous est promise et qu’on n’a pas saisie. C’est un accueil de nous-mêmes, un accueil de la dynamique de Dieu en nous.
J’aimerais aussi dire que je souffre autant de l’auto-critique que de l’auto-satisfaction. J’ai le sentiment que si on avait ensemble soif de cette nouveauté qui vient de Dieu, pour déplacer les montagnes, on se demanderait davantage où est le Royaume…et pourtant c’est ce que Jésus nous demande de chercher.