Elisabeth Saint Guily, de David&Jonathan, une chrétienne avec qui « un autre monde est possible » !

Elisabeth Saint Guily, née en 1981, est co-présidente et co-porte parole de David&Jonathan (D&J).
Cette jeune femme active, souriante, parle avec ses mains et s’implique, dans son travail, pour des personnes en difficulté sociale souvent oubliées de notre société : les agriculteurs en situation de crise. Sa passion pour l’annonce de l’Evangile est palpable et se concrétise, actuellement, par son engagement dans l’association D&J, tandis que sa soif de connaissance se concrétise par un doctorat en cours sur d’autres formes d’économie. Autant vous dire que Babeth est une chrétienne qui incarne le slogan : « Un autre monde est possible ! »
Joan Charras Sancho : Peux-tu nous dire ce qu’est David&Jonathan ?
Elisabeth Saint Guily : D&J est une association française qui existe depuis 1972. C’est un mouvement LGBT chrétien ouvert à toutes et tous. Il y a 450 membres en France avec une vingtaine de groupes locaux. Les activités de l’asso se déclinent sous plusieurs angles, avec des temps de partage qui permettent aux membres de parler de leurs vécus, des temps de célébration dans différents lieux de cultes et aussi du militantisme. Concernant ce dernier point, il y a toujours eu à DJ des personnes qui militent et d’autres qui ne militent pas. On considère que c’est une richesse.
Joan Charras Sancho : Elisabeth, tu es la co porte-parole de D&J. Peux-tu nous expliquer pourquoi vous êtes deux et pourquoi tu préfères ce terme à celui de co-présidente ?
Elisabeth Saint Guily : En fait, je suis co-porte parole et co-présidente ! Dans les statuts, c’est prévu ainsi et c’est aussi important pour Nicolas que pour moi. On vit ainsi la parité et la diversité au quotidien pour la gestion d’une asso… il faudra d’ailleurs qu’on se laisse interpeller par les personnes intersexes et trans, personnellement j’y suis sensible. Étant donné que j’habite dans la campagne dans le Nord, ce n’est pas toujours évident de répondre aux nombreuses demandes des médias, mais c’est important que les lesbiennes croyantes soient visibles. Il me semble même que c’est important tant pour l’association que pour la société.
Joan Charras Sancho : Lors du week-end de formation des responsables de D&J, j’ai présenté le livre Accueil Radical. Qu’en as-tu pensé et quels sont les enjeux que tu situes au niveau de l’accueil radical ?
Elisabeth Saint Guily : Je suis très heureuse que ce livre sorte. Je pense vraiment qu’il vient combler un manque. A D&J, on a toujours accordé beaucoup d’importance au témoignage. On considère que le témoignage est fructueux sous deux formes : en interne, c’est-à-dire le témoignage entre nous, l’accompagnement par les pairs et aussi en externe, pour faire avancer la lutte contre l’homophobie religieuses. Mais on a conscience que le témoignage ne suffit pas. Pour rendre ce monde plus beau, il faut aussi agir sur la théologie, les idées, la sphère académique. Au sein de notre asso, on a des personnes qui font de la théologie, qui sont passionnées et qui travaillent dans le même sens que ce livre. La richesse du livre, c’est qu’il représente essentiellement des plumes protestantes. Notre expérience au sein de D&J c’est que la minorité protestante, comme le font souvent les minorités, questionne beaucoup l’ordre établi et fait donc avancer vite le groupe sur certaines questions.
J’ai le sentiment que ce livre s’inscrit dans le même type de dynamique et va faire avancer l’ensemble de la réflexion théologique en lien avec l’émancipation des personnes LGBTI, leur libération, leur reconnaissance dans l’Eglise et dans le monde. De plus, il y a une dimension internationale qui répond à une situation présente. Beaucoup de personnes LGBT en Afrique nous contactent et nous demandent des ressources théologiques et bibliques, en plus d’un soutien moral et spirituel. Ce livre se positionne donc dans les ressources attendues par les chrétien-ne-s LGBT.
Joan Charras Sancho : Quelles sont tes attentes en tant que croyante, lesbienne, militante engagée ?
Elisabeth Saint Guily : Je parlerais plus de mon espérance, dans ce cas-là. J’attends une libération individuelle et collective. Ma foi est celle d’un Christ qui va libérer et qui appelle à la Vie. Dans cette dynamique, je vois deux aspects : l’importance des communautés, du collectif, des associations, des églises et l’autre aspect, c’est le fait d’être nourrie spirituellement et intellectuellement. Je rends grâce pour les rencontres que je peux faire dans mon chemin militant et je rends aussi grâce pour tout ce qu’il m’est donné de vivre dans mon chemin de foi.
D’ailleurs, j’aimerais préciser qu’au début j’étais gênée par le mot « radical », dans « accueil radical », mais maintenant que j’ai vécu, avec ceux du groupe, la présentation d’hier, j’ai compris combien cette radicalité décoiffe. Enfin, je voudrais dire que se libérer des LGBTphobies, grandir en inclusivité, c’est un chemin de libération qui concernera tout le monde : les homos, les hétéros. C’est une libération qui changera la vie de toutes celles et de tous ceux qui accepteront de lâcher ces discriminations. Et c’est ça, pour moi, l’inclusivité.
Joan Charras Sancho : Tu as vu que nous fêtons actuellement les deux années de présence et de débat sur internet vis la page fb Uepal en débat- bénédiction de couples de même sexe. Que répondrais-tu à la question suivante : « qu’est-ce que ça a changé dans ta vie de pouvoir demander la bénédiction de Dieu sur ton couple ? »
Elisabeth Saint Guily : Nous nous sommes battues, Géraldine et moi, pour pouvoir vivre notre amour au grand jour. Mais c’était important de nous rappeler qu’il y a là quelque chose qui nous dépasse, quelqu’Un de plus grand que nous, le Dieu d’amour dont nous parle la Bible. Recevoir une bénédiction, c’est rendre grâce pour notre bonheur et aussi nous rappeler que tout ne dépend pas uniquement de nous, et qu’il y a aussi la grâce, le bonheur et la paix que Dieu veut pour toute personne.