Anne Soupa, la bibliste au petit pied très décidé!

Anne Soupa, la bibliste au petit pied très décidé!


Anne est une bibliste talentueuse, assez sage pour comprendre son auditoire et l’accompagner de là où il se trouve vers d’autres horizons. A l’initiative de plusieurs projets « catholiques d’ouverture », elle tient son bateau à flot au milieu de plusieurs tempêtes. Rencontre avec une femme de conviction et d’ouverture !

JCS : Anne, tu es bibliste mais aussi pionnière avec plusieurs associations catholiques qui sortent du commun. Peux-tu nous en parler ?

Je suis une bibliste au petit pied. C’est la vulgarisation et la transmission qui m’intéressent. Mais surtout, je suis viscéralement liée à la Bible, car ma foi s’appuie sur elle. J’y trouve, non seulement la parole de Jésus, mais l’histoire d’un peuple fragile, faillible, fautif, mais toujours visité par son Seigneur. Je ne connais pas de lieu aussi libérateur, aussi loin de la morale culpabilisante que les dirigeants des institutions ecclésiales tentent souvent d’imposer aux fidèles. Et curieusement, dans le monde catholique qui est le mien, jamais l’institution n’a figé les interprétations. Le champ est libre, et c’est un extraordinaire terrain d’aventures spirituelles.

Les institutions dont tu parles sont le Comité de la jupe qui promeut l’égalité complète hommes et femmes dans l’Église catholique. Et la Conférence des baptisé-e-s (ou CCBF, Conférence catholique des baptisé-e-s francophones) qui offre un lieu de débat et promeut, par diverses actions, une Église de baptisé-e-s.

 

JCS : Tu as publié un livre sur Luther. Quelle est ta réception de sa théologie et comment nourrit-elle ta foi ?

Luther est un visionnaire et un grand croyant. Sa réaction devant la papauté, même si elle a été parfois excessive, reste salutaire. Je pense que tout catholique devrait lui être reconnaissant car il a sauvé le catholicisme. Sauvé du risque inhérent à toute institution : prendre le pouvoir et oublier au nom de qui on l’exerce.

Et je suis émerveillée qu’il ait ressuscité le sacerdoce commun des fidèles, si étouffé par la hiérarchie catholique. Son approfondissement de la théologie du baptême est précieux pour aujourd’hui. Luther rappelle qu’au baptême, il y a la promesse que Dieu reste présent dans une vie humaine. C’est un viatique pour toute la vie. Il devrait nous suffire….

 

JCS : Il y a eu de nombreux scandales dans l’Eglise catholique depuis près de deux ans…mais tu y restes pour ne pas abandonner les survivant·e·s, je crois ?

Ces scandales sont désastreux car ils ruinent ce que l’Église a de plus précieux : la confiance de ses fidèles. Il faut des siècles pour édifier des relations confiantes, et quelques instants pour les mettre à terre.

Je reste parce que je suis profondément catholique, et que si je m’en vais, il y aura une voix de moins dans la polyphonie des enfants de Dieu. Et je pense que le catholicisme, mot qui veut dire « universel », a des intuitions qu’il faut garder : une liturgie incarnée, une spontanéité d’expression du peuple de Dieu, un lien fort avec la création artistique, et j’ose le dire, la papauté. Le pape est une figure extraordinairement adaptée à la mondialisation et aux médias ; il peut être, à condition d’être doué pour cela, le curé du monde. Mais le ministère ordonné est dans une crise profonde ; pour le moment, je ne vois pas comment il se reconstruira.

Partir n’aurait donc aucun sens pour moi. Cela n’empêche que je me refuse à opposer protestants et catholiques. Pour moi, les protestants sont des catholiques qui protestent. Leur protestation est théologiquement légitime dans le champ même du catholicisme. Qu’on ne voie pas là une tentative « récupératrice », je ne fais que regarder l’histoire : Luther ne voulait pas rompre.

 

JCS : Tu connais notre travail à Accueil Radical. Quels sont tes espoirs concernant l’accueil des personnes LGBTI dans l’ECR ?

Á la CCBF et au Comité de la Jupe, nous avons une belle expérience, car nous accueillons un assez grand nombre de personnes homosexuelles. Et je crois que nous avons réussi ce qui devrait devenir la norme : on ne s’occupe pas de leurs orientations sexuelles. Si je peux exprimer un souhait, ce serait que les préjugés tombent sur le sujet. Pas mal d’entre eux sont tombés, mais il en reste encore trop. Et du côté des personnes LGBT, le risque est toujours le ghetto, l’entre soi. Pourrons-nous un jour « passer à autre chose » ?  Certes, dans certains cas, comme celui personnes trans*, cela suppose une réflexion anthropologique et des décisions d’ordre juridique. Il faut aider à les faire murir.

 

JCS : Le travail que tu mènes sur le genre est très inspirant. Quels sont tes chantiers actuels ?

Il me semble que, dans les sphères religieuses, le combat pour l’égalité doit primer sur la valorisation de la différence. On peut commencer à parler de différence une fois que l’égalité est advenue. Avant, le discours sur la différence est dangereux car il ne fait que conforter l’inégalité. C’est ce que nous apprend l’histoire de tous les apartheids.

Enfin, je voudrais mener à bien un projet de livre à trois voix, venues du judaïsme, de l’islam, et du monde catholique, pour débusquer les discriminations dont souffrent les femmes.

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