Dialogue franc avec Franck Agbi-Awumi, pasteur de l’Eglise presbytérienne du Togo

Dialogue franc avec Franck Agbi-Awumi, pasteur de l’Eglise presbytérienne du Togo


Franck Agbi-Awumi est un homme qui dégage la tempérance. Passé par Strasbourg et Yaoundé pour faire ses études de théologie, il évoque ces temps d’immersion dans d’autres cultures ecclésiales avec reconnaissance. A l’écoute de ses interlocuteurs, il reformule souvent les idées qu’on lui expose avec bienveillance et de grands éclats de rire. Franck est un pasteur auprès duquel on se sent en sécurité, accepté.e, considéré.e.

 

Accueil Radical : Franck, tu es pasteur, professeur de théologie et responsable de l’enseignement chrétien de l’Eglise Evangélique Presbytérienne du Togo. Parle-nous un peu de cette Eglise !

Franck Agbi-Awumi : Cette Eglise est issue du travail de la Mission de Brême en Allemagne du Nord, à la base une Eglise composée de luthériens et de réformés. Nous avons donc une structure mixte, avec des éléments plus luthériens ou réformés. Par exemple, nos régions sont nommées régions ecclésiastiques, avec des Inspecteurs comme les luthériens et un Synode comme les réformés. C’est donc un système presbytéro-synodal avec des accents luthériens. L’Eglise a évolué dans les années 1980 et le pouvoir a été davantage décentralisé dans les régions, qui ont dès lors été plus autonomes d’un point de vue économique et organisationnel. Cela pose des questions concernant le salaire des pasteurs, et le projet est à l’étude afin de nouveau recentraliser la gestion, financière au moins. Cependant, c’est le synode qui prend les décisions d’un point de vue doctrinal. Avec l’Eglise presbytérienne du Ghana, nous partageons la même histoire puisqu’issus de la même mission. En fait quand la région a été divisée après les indépendances, une partie de l’Eglise s’est trouvée en territoire dit ghanéen. Nous partageons les mêmes cantiques, la même liturgie et la même traduction de la Bible en Ewé.

 

Accueil Radical : Tu as eu l’occasion de lire l’Accueil Radical et d’en discuter autour de toi. A partir de quand la question de l’homosexualité a-t-elle été officiellement débattue dans la sous-région ?

Franck Agbi-Awumi : Nous avons un synode commun et une réflexion théologique commune avec quatre Eglises d’Allemagne du Nord, une année au Togo, au Ghana et une année en Allemagne. En 2000, cette question devait figurer dans l’ordre du jour, sur proposition de l’Eglise d’Allemagne, plus présicemment d’une liturgie pour les couples de même sexe. Le modérateur de notre Eglise a refusé que ce sujet soit à l’ordre du jour, en soulignant que cette réunion se tenant au Togo, il n’était pas question de discuter de ces choses-là. En 2013, le Synode commun Ghana et Togo a déclaré que l’homosexualité était condamnée parce que contre l’Evangile. Bien que semblant très catégorique, cette décision a été un pas en avant pour moi, puisqu’on a enfin pu en parler ouvertement.

 

Accueil Radical : Tu fais partie de celles et ceux qui sont d’accord d’en discuter. Quelles sont tes expériences pastorales avec les personnes LGBTI dans ton Eglise ?

Franck Agbi-Awumi : Dans un premier temps, je n’ai pas vraiment rencontré des personnes individuellement. Ce qui s’est passé, c’est que je suis allé à des rencontres organisées en partenariat avec l’Eglise méthodiste du Togo où des personnes concernées étaient aussi invitées. J’y suis donc allé avec l’accord des autorités dans l’espoir d’apporter une parole de non-jugement. J’ai pu observer deux grandes tendances au sein de l’Eglise : certains se sentent prêts à en parler, assez paisiblement mais aussi à ne pas rejeter d’emblée les personnes LGBTI et je dois préciser que cette attitude n’est pas interdite tandis que d’autres collègues sont catégoriques et condamnent ouvertement, versets bibliques à l’appui. Personnellement, j’essaie de me réjouir que certains collègues se montrent plus ouverts et je rappelle souvent qu’on peut exprimer sa position pour ou contre, l’Eglise autorise cette discussion.

 

Accueil Radical : Qu’est-ce qui a le plus retenu ton attention dans le livre et qui puisse être utile dans le cadre de la pastorale ici au Togo ?

Franck Agbi-Awumi : Le fait qu’en Europe, on puisse en discuter théologiquement et s’écouter, ça m’a intéressé. Vous avez dépassé la politique de l’autruche, et c’est ce que je vise ici au Togo. Il faut qu’on dépasse l’argument « on ne veut pas en discuter, ça n’existe pas, on l’interdit ». L’Evangile, pour moi, c’est l’attitude de Jésus qu’on trouve en Luc où il est allé vers les marginalisé.e.s, par pour devenir « comme eux » mais pour les écouter, rentrer en relation, se mettre à leur place.

Si je transpose cette question au contexte togolais, je dirais que l’Eglise a comme discours officiel de rejeter les sorciers, présumés ou déclarés comme tels. Par exemple, si j’ai un oncle dit « sorcier », je n’aurai pas le droit d’aller à ses obsèques, en tant que pasteur. Si j’y vais en mettant de côté mon statut de pasteur, ça passe. C’est problématique parce qu’il existe des sorciers qui veulent sortir de cette situation et personne ne semble disposé à les accompagner. C’est aussi problématique car certains sont déclarés sorciers sans preuves. Ce que j’essaie de faire, en tant que pasteur et responsable de l’enseignement chrétien, c’est de trouver des moyens de toucher chaque personne, sans la rejeter ou la stigmatiser, puisque c’est actuellement le cas des homosexuels ou des personnes présumées sorcières. Je ne sais que ce n’est pas la même chose, mais c’est le même rejet, et ça m’interpelle.

Pour résumer ma position, je suis d’abord tenu à respecter celle de l’Eglise tout en mettant en pratique l’appel de Jésus à faire Eglise avec toutes celles et ceux qui m’entourent et pas que celles et ceux qui me ressemblent. Cette posture d’accueil n’est pas facile mais j’essaie de trouver le juste milieu, que je résumerais comme celle d’un chrétien accueillant, tout simplement.

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